vendredi 26 janvier 2007

Pourquoi il faut rendre le vote obligatoire ainsi que l'inscription sur les listes électorales...

...afin de contribuer à améliorer la représentation du peuple, contribution sans grand intérêt par ailleurs.

Ne serait-il pas plus sain en effet pour notre démocratie que de rendre obligatoire l’inscription sur les listes électorales ainsi que la participation aux élections ? C’est un fait que, généralement, ce sont les plus faibles qui s’abstiennent, ceux que leurs conditions sociales d’existence dégradées et précaires conduisent à ne plus croire en la capacité du politique à changer les choses, à rendre la société meilleure et moins brutale. L’abstention massive des classes paupérisées contribue en outre à reléguer les problèmes spécifiques de ces populations à la périphérie des enjeux politiques, enjeux liés en grande partie aux enjeux politiciens des partis en lutte pour conquérir les suffrages des électeurs. On peut constater à ce sujet que des problèmes tels que le logement, le pouvoir d’achat, le chômage massif ou la précarité de l’emploi montent en puissance dans le débat politique (ou plutôt politicien) depuis que les classes moyennes, qui, elles, votent, sont rattrapées par ces évolutions socio-économiques qui touchent les classes populaires depuis les années 80, sans que cela ait beaucoup préoccupé les gouvernants de ce pays. Le summum de cette indifférence a d’ailleurs été atteint avec la campagne présidentielle de M. Jospin en 2002 dont le slogan étalait son ambition de « présider autrement », ambition sans doute légitime mais inaudible pour des gens qui ont des préoccupations beaucoup plus immédiates et triviales, comme de payer son loyer par exemple. Engager des réformes institutionnelles est sans doute nécessaire mais il faut être aveugle ou isolé dans sa tour d’ivoire pour faire de ces réformes la pierre angulaire de sa campagne.

En outre, en République, la loi est censée émaner du peuple ; en tout cas c’est au nom du peuple souverain que les représentants élus établissent la législation, ratifient des traités internationaux, etc. Est-il acceptable dans ces conditions qu’une part seulement du peuple concourt à la désignation des députés, du président, des maires ? Peut-on considérer comme le représentant du peuple souverain celui qui a été désigné lors d’un scrutin auquel une partie seulement de ce peuple souverain a exprimé son opinion et son choix ? On peut toujours objecter que, de toute façon, aucun élu ne décroche une élection à l’unanimité, qu’il est toujours désigné par une partie du peuple et qu’alors, en suivant le raisonnement qui est le mien, aucun élu n’est jamais légitime. Cela étant je crois qu’il s’agit là d’un faux problème car, dans le cas où tout le peuple se prononce, il n’y a pas de doute quant au résultat du scrutin : même si certains ont voté contre le lauréat ils doivent reconnaître que la majorité de leurs concitoyens se sont prononcés autrement et ne peuvent remettre en cause la légitimité du vainqueur (dans le cadre d’une élection au scrutin majoritaire) ; dans ce cas le candidat ou la liste qui obtient 55% des suffrages obtient 55% des suffrages du peuple. Mais dans le système actuel le candidat ou la liste qui rafle 55% des suffrages ne peut prétendre à représenter 55% du peuple mais 55% des électeurs qui ont participé au scrutin : le vainqueur n’a pas obtenu 55% des voix du peuple souverain mais 55% des électeurs qui se sont prononcés ; si l’abstention a atteint 20% il n’a obtenu que 44% des voix du peuple et si elle atteint 40% il n’obtient plus que 33%, ce qui veut dire qu’il n’est pas majoritaire dans le peuple. Le vainqueur d’une élection où tout le peuple ne participe pas n’est donc pas un représentant du peuple puisque il n’a pas été élu par la majorité de ce peuple : il représente tout au plus les électeurs qui ont fait l’effort de se déplacer parce qu’ils se sont sentis concernés ; il représente la majorité des gens qui se sont déplacés mais non celle du peuple dans sa globalité et il est toujours possible de lui rappeler qu'il a été élu par une minorité de la communauté des citoyens, autrement dit qu'il est illégitime.

Par ailleurs si chacun est libre de ne pas participer aux scrutins qui décident de la teneur politique des élus, chacun, qu’il vote ou pas, est tenu de respecter et de considérer comme siennes les législations et décisions des élus. En refusant de participer à la prise de décision collective le citoyen abstentionniste se place dans la situation du sujet passif qui se soumet à la loi par la force des choses et non parce qu’elle représente l’expression de la volonté du peuple. L’abstention constitue une forme d’abandon de la collectivité politique ou d’indifférence à son égard, un renoncement à la citoyenneté qui affaiblit le principe de la souveraineté populaire, un des fondements de la démocratie. Cela ne serait pas absolument insupportable si nous ne vivions une époque où les politiciens ne mettaient pas en place et n’utilisaient pas des organismes européens et internationaux au sein desquels la souveraineté populaire et la citoyenneté sont biffées d’un revers de la main indifférent par leurs propres représentants élus : le Conseil des ministres de l’Union européenne est à cet égard assez significatif de même que le soin de confier à un ectoplasme politique irresponsable autant qu’illégitime les négociations commerciales de l’Union auprès de l’OMC. Il est manifeste que les gouvernants européens aiment bien la démocratie à condition qu’elle n’entrave pas les affaires et les intérêts économiques des classes supérieures : je constate d’ailleurs que, suite aux refus des peuples français et néerlandais de ratifier le TCE, aucun de nos fervents Européens de gouvernants n’a émis l’idée de convoquer une véritable convention européenne qui serait élue au suffrage universel. Je doute d'ailleurs que ma proposition de rendre le vote obligatoire rencontrerait beaucoup d'approbations chez ces mêmes personnes qui considèrent qu'il vaut mieux, finalement, que la vile populace se contente de voter à la StarAc' et ne vienne pas troubler les sages délibérations des hommes responsables et pragmatiques et réalistes ainsi que les très-sages conseils de leurs experts indépendants mais néanmoins stipendiés.

Cela étant, si on souhaite rendre le vote obligatoire, il faut aussi songer aux conditions favorables à la mise en œuvre d’une réforme qui rencontrerait peut-être une certaine opposition de principe, notamment chez ceux qui oublient que c’est la citoyenneté démocratique qui nous permet d’être libre. Ainsi, plutôt que d’organiser une loterie pour inciter les gens à se déplacer (à l’instar de ce qui a été proposé dans un Etat américain), pourquoi ne pas déplacer le vote du dimanche au mercredi et instituer le jour du vote férié ? Une telle mesure n’aurait rien d’impossible à mettre en œuvre, il suffirait de supprimer les fêtes religieuses qui ne signifient plus rien aujourd’hui et de bloquer tous les ans deux mercredis, par exemple les deuxième et quatrième mercredi de mars -et pourquoi pas deux mercredis supplémentaires qui serviraient à la tenue de référendums si on se décidait, en France, à développer cette pratique propice au plus immonde populisme, comme on dit dans les journaux où on pense que le peuple est mauvais par essence ? Si on réduit tous les mandats à 5 ans et qu’on regroupe les élections (présidentielle et législatives ; régionales et départementales ; municipales et communautaires) nous voterons tous les deux ans : en année sans élection je propose tout bêtement que les deux jours de vote soient transformés en jours de congé libres pour chaque salarié ; idem dans le cas où aucun référendum n'était prévu pour le ou les mercredis décrétés fériés en vue de l’organisation de votes populaires. De la même manière, s’il y a plus de quatre fêtes religieuses dans l’année (à l’exception de Noël qui n’a plus rien de religieux), les jours fériés qui seraient perdus par les salariés seraient convertis en jours de congé supplémentaires et libres.

Certes le simple fait de rendre obligatoire la participation électorale ne suffira pas à changer en profondeur le système politique, comme on peut le voir en Belgique, mais on peut supposer également que si le voté n’était pas obligatoire au Brésil un homme comme Lula n’y aurait jamais été élu président de la République. Une telle mesure ne peut être efficace que si elle s'intègre à une réforme plus vaste de la représentation politique et c’est pourquoi il faut changer la manière dont sont élus les députés au niveau national comme régional et européen, de telle sorte que les diverses catégories sociales participent non seulement à la désignation des représentants du peuple mais qu’elles soient équitablement représentées, sujet que j’évoquerai un peu plus tard...

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