mercredi 31 janvier 2007

Récrimination acrimonieuse à l'encontre de l'émission "Le Rendez-Vous des Politiques"...

...sur France Culture exprimée sur un ton virulemment irrationnel et injuste se concluant par une revendication attentatoire à l'intégrité financière de M. Enthoven animateur de l'émission en question, contribution qui n'a d'autre intérêt que de calmer les nerfs de son auteur légèrement insomniaque en ce début d'année.

Quel décret divin a confié à l’aréopage du Rendez-vous des politiques le magistère universel qui lui confère seul le droit de déterminer ce qui relève d’une préoccupation légitime et primordial au plan politique ? Quelle force cosmique en est à l’origine, qui leur permet de vouer aux gémonies quiconque à l’audace de considérer que les préoccupations populacières méritent autant d’attention que leur expertise forcément indépendante de pur esprit jamais défenseur de quelque intérêt particulier?

Je comprends bien la souffrance que doit ressentir ce noble individu qu’est Paul Thibaut devant la remontée d’égout des revendications des hordes populacières tant il est vrai que ce qui occupe le vulgaire relève de la trivialité la plus sommaire. Interrogez donc une femme de ménage ou un éboueur ou un intérimaire ou une caissière de supermarché sur le conflit du Proche-Orient, la construction européenne ou les réformes nécessaires mais douloureuses induites par la mondialisation capitaliste qui est une réalité comme le soulignait récemment je ne sais plus quel député libéral (une « réalité » tombée du ciel contre laquelle on ne peut rien si ce n’est s’adapter tous ensemble, enfin tous sauf les universitaires, conseillers d’Etat ou journalistes, politiciens de père en fils et héritiers d’empire industriel, une « réalité » et non un choix politique délibéré par des élites soucieuses de maintenir leurs privilèges et leur domination sociale comme un odieux populisme tendrait à le faire croire) –interrogez donc tous ces gueux sur ces graves problèmes et vous sombrerez dans des gouffres sans fond d’indifférence. La seule chose qui préoccupe ces gens-là c’est leur compte en banque qui n’est jamais assez fourni alors que nos braves statisticiens qui distribuent la vraie vérité à une opinion sourde autant qu’aveugle s’épuisent à expliquer qu’il n’y a aucun problème de revenu dans notre pays, pas davantage que d’accroissement des inégalités de revenu (il est vrai que os braves statisticiens omettent de prendre en compte les revenus financiers mais c’est « parce qu’ils sont impossibles à estimer »). Allez expliquer à un ouvrier qu’il faut bien que les entreprises investissent dans les pays du Sud pour leur permettre de se développer et d’améliorer le sort de leurs populations et qu’il peut bien, lui, faire preuve d’un peu de solidarité internationale en se reconvertissant, en étant flexible et mobile comme savent l’être les universitaires, les conseillers d’Etat et les journalistes ; allez-lui expliquer le plus rationnellement du monde que c’est pour son bien qu’on le licencie pour transférer son poste de travail dans un pays à bas salaire, que c’est pour son bien qu’on l’embauche à la semaine, qu’on le paye au minimum, qu’on intensifie toujours plus son travail ; allez-lui expliquer le plus rationnellement du monde que c’est pour son bien que l’on dégrade constamment ses conditions de travail, d’embauche et de salaire, pour son bien à long terme et vous constaterez que ces gens-là sont inaccessibles au raisonnement et irréductibles à tout argument humanitaire comme cet acte de solidarité internationale que constitue la délocalisation ou le principe du pays d’origine. Le peuple est stupide et ce n’est pas un hasard si le génie de notre langue française finit toujours par opérer des dérivations sémantiques aux vocables qui désignent le vulgaire en les connotant péjorativement !

Terrible en vérité cette démocratie d’opinion, dictature de l’opinion plutôt qui impose dans le débat politique des questions sans intérêt comme le logement par exemple. Et pourquoi une telle agressivité à l’endroit de cette question chez notre aréopage ? J’ai d’ailleurs à ce propos du mal à comprendre les discours de nos grands esprits aventuriers car si, comme l’affirme l’un d’eux, cela fait 20 ans, 30 ans voire 40 ans que le problème du logement se pose comment se fait-il, dans cette odieuse dictature des femmes de ménage et des éboueurs, que cette question ait été éludée par les gouvernements comme les médias jusqu’à il y a peu ? Si « l’opinion » (c’est-à-dire la population entière moins les universitaires, les conseillers d’Etat et les journalistes, les politiciens et les héritiers qui savent, qui sont informés et qui sont instruits) décide seule dans notre démocratie vacillante et impose son ordre infâme pourquoi les problèmes sociaux et économiques du plus grand nombre ont-ils été systématiquement expulsés du débat politique au profit des beaux et grands discours des gens qui savent que le libre-échange est gagnant-gagnant (et c’est vrai qu’il est gagnant-gagnant, gagnant pour les élites du Nord et gagnant pour les élites du Sud !), que les protections sont illusoires et infantilisent l’individu qui doit être responsabilisé (ce qui logiquement ne concernent pas les gens qui savent et qui sont responsables de naissance et n’ont besoin d’aucun aiguillon pour cela), que la construction européenne passe avant toute chose (et tant pis si en élargissant à des pays pauvres qui n’ont pas encore rattrapé leur retard de développement on accentue le dumping social et fiscal et contribue à détériorer les conditions d’existence des gens qui ne savent pas et qui n’auront qu’à s’adapter) ? C’est sans doute la dictature de l’opinion qui est responsable du fait qu’il ait fallu attendre 1997 pour que l’amiante soit interdite ; c’est sans doute toujours cette même dictature qui fait de l’obstruction judiciaire pour gagner du temps, comptant les cadavres de ces sous-hommes d’ouvriers qui n’auront pas besoin d’être indemnisés par les entreprises des gens qui savent. C’est sans doute la dictature de l’opinion qui rogne les indemnités journalières des chômeurs un peu plus à chaque réforme et développe les contrats de travail précaires et qui s’offusque, 10 ou 20 ans plus tard, de la paupérisation des jeunes travailleurs. C’est sans doute la dictature de l’opinion qui libéralise et privatise le secteur et les compagnies électriques et qui s’étonne 10 ans plus tard de la baisse concomitante de l’investissement, en omettant comme il se doit de rappeler que depuis 10 ans si les investissements productifs ont baissé les investissements purement financiers en rachat de concurrents se sont élevés à plusieurs dizaines de milliards d’euros. C’est sans doute la dictature de l’opinion qui est à l’origine de cet étrange phénomène qui veut que le peuple est raciste et xénophobe alors que les gens qui savent sont tolérants et ouverts mais que, paradoxalement, dans les divers quartiers de nos villes le nombre d’immigrés et d’issus de l’immigration est inversement proportionnel au nombre de gens qui savent. C’est sans doute la dictature de l’opinion qui fait des cadeaux fiscaux aux grandes fortunes et bloque les salaires et les pensions. C’est sans doute la dictature de l’opinion qui est à l’origine du rétrécissement social du recrutement des élites et de la reproduction sociale de celles-ci. C’est sans doute la dictature de l’opinion qui fait que 90% des élèves de certains lycées toujours les mêmes accèdent aux classes préparatoires et presque aucun dans certains autres.

Mais j’ai bien l’impression que ce que ne supporte pas notre noble aréopage c’est justement l’irruption de la populace dans le débat politique parce que, inévitablement, si l’on place sur le même plan les préoccupations politiques des élites surprotégées et largement rémunérées auxquelles appartiennent nos grandes âmes et celle des basses castes et de tous ceux qui s’en prennent plein la gueule depuis 20 ans qu’ils sont enjoints à s’adapter à la « réalité » des gens qui savent (et qui ne risquent rien) –inévitablement en ce cas les préoccupations des gens qui savent et leur « réalité » incontournable seront battus en brèche par celles des enjoints à l’adaptation qui sont infiniment plus nombreux. D’où ce discours sur la fin de la démocratie et la démocratie d’opinion, la démocratie relevant de la raison et non de l’opinion, la raison relevant bien sûr des élites et pas de la populace : pour notre aréopage la démocratie n’est possible que si elle est confisquée par ceux qui savent et si elle muselle ceux qui subissent. Car « opinion » ici signifie peuple et populace par rapport aux élites et gens qui savent comme je l’ai dit plus haut ; « démocratie » signifie alors le régime qui assure le gouvernement oligarchique. Dès lors que les élites qui en tirent profit perdent leur toute-puissance suite au désastre économique et sociale auquel nous a mené leur expertise savante durant les 30 dernières années qui forment une période au cours de laquelle l’ascension sociale des classes moyennes et inférieures s’est ralentie, la reproduction des élites accentuée et l’emprise de ces dernières sur les divers lieux de pouvoir accrue, ce qui implique que les prises de décision en matière économique et politique et les orientations du discours médiatique leur incombent essentiellement et qu’il me semble pour le moins extravagant d’imputer à une populace imbécile la responsabilité de la dégradation de sa propre situation et ce alors qu’elle n’a cessé dans le même temps d’être exclue chaque année un peu plus des lieux de pouvoir –dès lors donc qu’elles perdent leur toute-puissance, et toute incapable qu’elles sont de se remettre en cause, c’est-à-dire de se désavouer ou plutôt d’avouer que les finalités poursuivies par les politiques qu’elles élaborent, impulsent, mettent en œuvre et soutiennent depuis 30 ans ne visent qu’à renforcer leur position sociale, elles en viennent à dénoncer la fin de leur toute-puissante expertise et parole comme l’annonce de la mort de la démocratie. L’aboutissement logique de ce raisonnement est de transformer toute revendication populaire en expression de haine et de bêtise et toute volonté de prendre en compte ces revendications comme démagogique et « populiste » pour reprendre ce mot dont le sens a été contrefait par le Cercle de la raison qui a surgi au moment du débat sur le Traité constitutionnel européen, qui a surgi pour être défait par la vile populace qui n’a évidemment pas saisi les enjeux du référendum contrairement aux gens qui savent et aux habitants de Neuilly-sur-Seine qui ont voté « oui » comme un seul homme.

Il est à ce sujet très intéressant de reprendre les considérations de M. Enthoven à propos de ce peuple aux méchantes idées xénophobes, ce peuple qui a su « faire preuve d’intolérance », ce peuple auquel il a fallu imposer d’en haut l’abolition de la peine de mort. Voilà bien des propos qui puent la haine de classe et les préjugés de notre aréopage. M. Enthoven peut raconter toutes les âneries qui lui passent entre les oreilles mais je trouve qu’il a la mémoire sélective. Que je sache, en effet, la peine de mort n’a pas été abolie par un chef d’Etat tout-puissant entraînant dans un élan de folle audace une opinion stupide et percluse d’admiration pour le grand homme qui sait: elle était une proposition du candidat Mitterrand, et une proposition volontairement mise en avant et fermement défendue jusqu’à la fin de la campagne par le seul président de la République socialiste que notre pays ait connu, une proposition qui fut votée par l’Assemblée nationale après que M. Badinter, ministre de la Justice, en eut exposé publiquement les fondements philosophiques. Certes l’opinion était majoritairement favorable au maintien de la peine de mort mais l’abolition n’a pas été courageusement réalisée par un président dressé seul contre l’odieuse populace, échevelé dans la tempête opinante : elle a été mise en œuvre par le représentant de la nation souveraine investi par le suffrage universel d’un peuple qui avait délibéré en connaissance de cause. La démarche de M. Mitterrand était à l’opposé même des méthodes que défendent M. Enthoven et ses copains. Par ailleurs les insinuations de ce monsieur concernant l’intolérance sans doute innée de la populace qu’il nomme opinion ne laissent pas de m’interloquer ! Certes la xénophobie et le racisme sont des réalités sociales mais enfin d’où viennent les stigmates racistes ? Qui a enseigné pendant près d’un siècle aux enfants de l’école républicaine que les Arabes étaient fourbes et paresseux, que les Nègres étaient indolents et stupides ? Qui a inventé et répandu les zoos humains en France ? Que je sache la colonisation qui est à l’origine des préjugés racistes qui gangrènent la société a été initiée au dix-neuvième siècle contre une opinion qui avait déjà d’autres soucis qu’apporter la civilisation française à des peuples qui vivaient très bien avec les leurs, des soucis qui étaient eux-mêmes bien triviaux j’en conviendrai mais c’est dans la nature du vulgaire d’être trivial : c’est contre la volonté du peuple que les élites ont imposé la colonisation et c’est pour le convaincre du bien-fondé de cette grande œuvre que les écoles ont enseigné aux enfants de France à mépriser et à détester les Arabes et les Nègres, c’est toujours pour convertir une opinion perplexe à la nécessité de coloniser que les gentilles élites ont inventé les expositions coloniales et les zoos humains. Le racisme contemporain qui s’exerce à l’encontre des Arabes et des Noirs n’est pas le fruit d’une tare congénitale de l’opinion mais l’écho d’un discours élitaire.

Mais la xénophobie, dira-t-on, n’est pas neuve et relève d’autres logiques. Il est vrai qu’on ne peut assimiler racisme et xénophobie et s’il est évident que les ancêtres de nos hommes Circulaires (qui appartiennent au Cercle de la raison) ont construit le racisme on ne peur leur imputer tous le crimes de la Terre et exonérer a priori la populace de toute responsabilité en matière de xénophobie. Le peuple est généralement xénophobe, plus exactement les peuples sont généralement xénophobes de même que les individus sont aisément intolérants vis-à-vis de ceux qui ne pensent pas comme eux. Cela étant la xénophobie n’est pas également présente dans toutes les couches de la société : si tous les degrés de la pyramide sociale sont touchés par ce phénomène il semble toutefois que la prévalence et la prégnance de celui-ci croissent au fur et à mesure que l’on dégringole lesdits degrés. De la même manière les périodes de crise et de tension économique et politique sont propices au développement de la xénophobie. Ainsi, si la xénophobie est universelle et éternelle elle ne s’exprime pas de la même manière selon les contraintes économiques et sociales qui pèsent sur les individus comme sur la société. Au lieu de donner des leçons de morale l’aréopage de la Cercle de la raison ferait peut-être mieux de se préoccuper des conditions sociales, culturelles et économiques qui favorisent l’essor de la xénophobie latente dans toute société humaine. Entre autre si M. Enthoven daignait descendre de son piédestal il constaterait que les comportements et pensées xénophobes sont largement attisés par l’accentuation de la compétition interindividuelle induite par le libre-échange, la libéralisation à tous crins de l’économie et le démantèlement de l’Etat-providence construit à la Libération, toutes politiques initiées et soutenues par l’aréopage et le Cercle. Il pourrait aussi constater que les discours xénophobes ne sont bien souvent que l’écho assourdi du discours haineux et méprisant qu’ont subies les hordes populacières (qu’il nomme « opinion ») de la part de leurs maîtres bourgeois et leurs séides de l’immarcescible Cercle de la raison. Il pourrait constater que le mépris du « petit blanc » qu’il exècre à l’égard du bougnoule n’est que l’écho du mépris que reçoit celui-là de la part d’une société hiérarchisé et inégalitaire où la valeur d’un homme est proportionnelle à son revenu ou ses diplômes : la xénophobie n’est souvent qu’un viatique qui permet aux faibles et aux vaincus de la compétition économique de se constituer une image positive d’eux-mêmes en surinvestissant leur appartenance à une communauté humaine quelconque, communauté parée de toutes les qualités auxquelles ils s’identifient sans distance critique afin de se parer de ces qualités que la société leur dénie. Bien sûr la xénophobie est un phénomène complexe qui ne saurait être réduit à une cause unique mais il me semble toutefois que la hiérarchisation de la société et la compétition économique (auxquelles les hommes sont d’autant plus durement soumis qu’ils sont plus faibles et fragiles et issus de milieux modestes et, a fortiori, pauvres) sont deux éléments qui ne peuvent être écartés d’une réflexion sur ce problème. En conséquence ceux-là mêmes qui sont à l’origine ou qui défendent une vision du monde où la société se réduit à une lutte de tous contre tous et au maintien des hiérarchies installées, ceux-là me semblent mal placés pour conchier la populace et lui donner des leçons de morale sous prétexte de considérations philosophiques vaseuses et d’omissions opportunes.

Tout ça pour dire que cette émission du Rendez-vous des politiques sur France Culture me semble avoir perdu beaucoup en qualité depuis que M. Enthoven en a pris les commandes. C’est peut-être une opinion infondée (!) mais, constatant que la seule variante par rapport aux années précédentes réside en la personne de l’animateur orchestrateur questionneur médiateur, j’en viens à imputer sans doute injustement la responsabilité de cette dégradation au dit animateur…

mardi 30 janvier 2007

Contre l'orthographe qui fait mal à la tête et la méritocratie républicaine...

...qui fait aussi mal à la tête.

Être français c’est apprendre une orthographe qui transpire la haine, le mépris, la négation même de l’humanité ; être français c’est être enseigné des règles d’écriture qui ont été pensées de sorte à ce qu’elles soient incompréhensibles ; c’est apprendre qu’il y a des règles, qu’il faut s’y plier pour être digne, pour être un homme, qu’il y a des règles mais qu’il est impossible de les comprendre à moins d’être agrégé de latin, grec et vieux français, qu’il y a des règles et qu’il faut les respecter faute de quoi l’on n’est rien, un être sans parole car le français c’est ce qui s’écrit pas ce qui se parle, qu’il y a des règles, qu’il faut les respecter mais qu’elles ne servent à rien dès lors qu’il s’agit de transcrire le langage que l’on croit parler : être français c’est apprendre qu’il faut apprendre des règles qui n’expliquent rien, n’éclaircissent rien, n’apprennent rien et ne servent à rien si ce n’est à séparer ceux qui parviennent à les absorber des autres. L’orthographe française n’est que l’apprentissage de l’arbitraire par l’assujettissement à des règles obligatoires mais incompréhensibles, un mur subtil et délicat dont l’ascension sépare ceux qui savent et qui deviendront les maîtres de ceux qui ne sauront jamais ou mal et qui resteront les sujets.

Et évidemment ceux qui savent sont ceux qui maîtrisent déjà le mieux le langage parlé avant même d’apprendre à l’écrire et qui sont toujours plus ou moins les mêmes. L’orthographe est un instrument de sélection, un tamisage social qui n’est pas totalement efficace et d’ailleurs qui ne doit pas l’être, totalement efficace, auquel cas sa fonction première qui est de terroriser les plus faibles éclaterait au grand jour. C’est l’illustration du principe de la méritocratie républicaine : assurer la reproduction d’une oligarchie nationale tout en extrayant du Tiers-état les grosses têtes dont l’ascension sociale privera, d’une part, la populace d’un encadrement intellectuel efficace et, d’autre part, maintiendra vive la fiction nécessaire à la survie de la susdite archosphère tout en excitant la compétition entre les individus issus du populo, compétition qui elle-même alimente le système de sélection et donc le tamisage social –ou comment l’ascenseur social constitue un agent de la perpétuation des inégalités, comment l’ascenseur social est le produit de la volonté politique d’assurer la perpétuation des inégalités.

Et pourquoi ne pas simplifier cette maudite orthographe anti-démocratique, ne serait-ce qu’en la débarrassant de ces lettres superflues qui l’encombrent ? Si les Italiens vont al teatro pourquoi les Français ne pourraient-ils pas aller au téatre tout simplement ? En quoi des éléfants seraient-ils moins éléphantesques que les éléphants actuels ? Sans doute l’institution d’une orthographe phonétique du français est-elle impossible mais on peut sans difficulté en finir avec tous ces doublons qui compliquent inutilement l’écriture (comme « ai » et « è », « ph » et « f »), ces lettres surnuméraires comme les « h » muets, ces dédoublements de consonnes qui ne correspondent à aucun usage réel de la langue ou ces absurdités comme le « y » qui se prononce exactement comme le « i » pas grec bien qu’il soit censé transcrire en français le son « u » du grec ancien tandis que le son « ou » des mots grecs est transcris par la lettre…« u » en français ! On peut voir là un bel exemple de mépris de classe : à quoi peuvent bien servir ces règles de transcription qui aboutissent à contrefaire les vocables originels si la raison d'être de l'orthographe est de rendre compte de l'étymologie ? Il me semble évident que ces règles n'avaient d'autre fin à l'origine que de séparer les dépositaires de la culture classique qui pouvaient les comprendre des autres, c'est-à-dire du peuple, du vulgaire et de rendre ceux-ci étrangers à leur propre langue. Cette orthographe trace une frontière sociale entre le maître et le sujet, elle incarne une vision du monde qui n'a plus lieu d'être selon laquelle les hommes naissent inégaux, selon laquelle la nature des hommes varient selon leur naissance, selon laquelle un sang rouge irrigue le corps de l'homme né vulgaire et bleu celui de l'homme né noble. Cette orthographe est une insurrection des élites contre le peuple, son maintien l'expression du refus obstiné de celles-là de se penser comme une partie de celui-ci.

L'orthographe est un déchet de l'Ancien Régime, si la France est vraiment une République démocratique, laïque et sociale où la souveraineté réside dans la nation, pourquoi continue-t-elle à être en vigueur 214 ans après la décapitation de Louis XVI? Quand les Nègres de Saint-Domingue sont devenus la nation haïtienne et qu'ils ont instauré une orthographe de leur langue créole qui est issue du français ils ne se sont pas embarrassés d'étymologie et ont écrit la langue parlée par le peuple...

lundi 29 janvier 2007

Contre l'automédication telle que défendue par M. Slama sur France Culture

L’un des avantages que procure le travail de nuit, hormis de réduire l’amplitude horaire de la vie sociale de l’individu concerné pour peu qu’il soit célibataire, hormis d’ajouter des primes additionnelles souvent mirobolantes à des salaires déjà prohibitifs pour la pauvre entreprise écrasée par la concurrence mondialisée, hormis de rendre un peu plus pénible et fragile le sommeil de celui qui a le mauvais goût de souffrir d’insomnies –enfin hormis moult joyeusetés le travail de nuit présente un avantage et un plaisir comparable à nul autre : éviter les matins de France Culture. Etant moi-même citoyen contribuable et redevable, de même que pingre, j’ai pour habitude d’écouter cette antenne publique généralement intéressante, voire enrichissante ; et d’ailleurs, n’étaient les fameux Matins, elle le serait tout court, enrichissante. Comme la vie est mal faite ! Fallait-il donc que je tombe, moi qui entends ces Matins peut-être une fois dans l’année, justement sur Mrs. Slama et Barbier, ci-devant défenseurs du darwinisme social et apôtres de la responsabilité individuelle (ça marche souvent ensemble, je me demande bien pourquoi). La chronique de M. Slama est disponible ici http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture/emissions/matins/index.php.

Ainsi donc M. Slama se réjouit pesamment de l’audace réformatrice de notre ministre de la santé organisant le développement de l’automédication. Enfin ce qui réjouit surtout M. Slama est cette fameuse responsabilité individuelle dont le ci-devant Barbier nous explique au même moment qu’elle s’est trouvée ruinée par la Sécurité sociale et l’Etat-providence dont la crise salutaire contraindra chacun à se reprendre en main sans plus compter sur la providence d’un Etat qui débilite et amollit : M. Slama se réjouit de ce que l’automédication va augmenter le nombre de médicaments en vente libre et donc non remboursés. Ainsi le fait de débourser responsabilise l’individu qui n’est bien souvent qu’un malade imaginaire, chose bien connue du ci-devant mais que des préventions imbéciles masquent au commun des mortels par ailleurs affiliés à la Sécurité sociale qui porte atteinte à la sélection naturelle –qui attente à la responsabilité individuelle veux-je dire. Il est bien évident que la responsabilité individuelle est une grande chose de même que la sélection naturelle : il est tout aussi évident que le meilleur moyen de responsabiliser l’individu consiste à lui taper dans le portefeuille qu’il a plus fourni qu’il ne le dit, l’hypocrite, mais on ne la fait pas au ci-devant qui sait que la réalité se situe dans les statistiques de l’Insee et de l’Eurostat et qui ne se laisse pas abuser par le « ressenti » du personnel ancillaire. Toujours est-il qu’en faisant payer le malade on le responsabilise : et pourquoi pas après tout ?

Mais alors, puisque le prix des médicaments est unitaire, cela implique que le malade imaginaire est responsabilisée relativement à son niveau de fortune : ainsi celui qui gagnera mille euros sera dix fois plus responsabilisée que celui qui en gagnera dix mille quand il achètera un remède coûtant cinquante euros, ce qui représente 5% de son revenu mensuel contre 0,5% de celui du ci-devant, qui doit ses émoluments à son talent et à son excellence bien sûr. Si je suis la logique de Monseigneur, dois-je comprendre que plus les gens sont pauvres plus ils sont responsables et que plus on grimpe l’échelle sociale plus l’irresponsabilité grandit ? De sorte que l’irresponsabilité constituerait un attribut éthique des élites et la responsabilité une injonction faite aux couches inférieures. Mais l’élite n’est-elle pas la crème de la société ? N’est-elle pas le rassemblement des talents et des génies, de l’intelligence et de l’excellence ? D’où j’inférerai que l’irresponsabilité individuelle relève de l’excellence éthique et la responsabilité individuelle d’une tare probablement congénitale. On m’objectera que j’infère à tort et à travers et que mes propos sont la conséquence d’une première nuit de l’année 2007 sans sommeil et on aura raison pour ce qui concerne mon insomnie en ce premier jour de l’an. Mais on aura tort pour la première partie car si M. Slama et son pote Barbier étaient conséquents avec eux-mêmes (ou plutôt si leurs considérations ne transpiraient le mépris aristocratique de classe le plus vulgaire) ils s’insurgeraient contre le prix unitaire des médicaments et exigeraient que chacun paye les médicaments non remboursés en fonction du niveau de ses revenus, de façon à ce que chacun soit également responsable (puisque d’après eux c’est comme ça qu’on rend les gens responsables, en leur faisant les poches plutôt qu’en les éduquant et les informant): ainsi quand le gonze gagnant mille euros payerait cinquante euros sa boîte de j’saispôquoizan le ci-devant qui en gagne lui dix mille payerait la même boîte de j’saispôquoizan cinq cents euros ; mais une telle idée ne leur effleure évidemment pas l’esprit à ces grands esprits, tout emplis qu’ils sont d’une autre idée, tellement plus agréable et conforme à leurs préjugés, que ce sont nécessairement les gonzes et leurs gonzesses (à moins que ce ne soit l’inverse) qui consomment du médicament et du traitement sans raison et juste parce que c’est remboursé et parce qu’ils sont bêtes.

Peut-être faut-il développer l’automédication mais que vient faire la « responsabilité individuelle » dans ce débat ? Est-on responsable de tomber malade ? De pouvoir se payer les médicaments ? En fait derrière leurs belles phrases se cache le refus d’un système de prise en charge collective des dépenses de santé dont la finalité n’est autre que permettre à chacun de disposer d’un égal accès aux soins, quelque soit son statut social : ce qu’ils supportent mal c’est qu’on rende invisible les distinctions hiérarchiques au sein de la société, qu’on rende invisible les marqueurs de ces hiérarchies. Alors qu’avec ce qu’ils nomment « responsabilité individuelle » les marqueurs en question se matérialisent établissant la distinction entre ceux qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent pas, ce qui les rassure quant à leur statut. Plus précisément le marqueur social réside dans leur irresponsabilité individuelle car, pour ce qui les concerne, les dépenses de santé n’importent guère, elles représentent un coût négligeable qui permet le gaspillage. Ainsi, en enjoignant aux gonzes de se responsabiliser alors qu’eux-mêmes « s’irresponsabilisent » de manière patente, les ci-devant marquent socialement les hiérarchies dont ils forment les sommités mais des sommités un peu flageolantes et qui ressentent un besoin pressant d’être rassurés quant à leur infatuation.

Les maîtres sont gens grotesques...

dimanche 28 janvier 2007

Pour l'abolition de la propriété immobilière dans une optique résolument républicaine...

...et néanmoins sophistique, proposition collectiviste et individualiste en même temps, égalitaire et libertaire, etc.

Il est de bon ton à l’heure actuelle de pleurnicher sur le sort des malheureux qui meurent de froid la nuit, faute de logement. Il est de bon ton de s’offusquer contre le gouvernement et son incurie, les bailleurs et propriétaires et leur égoïsme, le chômage et l’exclusion qui empêchent le pauvre monde de payer un loyer, la pression exercée par la société sur les psychismes fragiles qui conduit les moins aptes à la lutte vers la désocialisation et l’errance. On peut toujours trouver des tas de raisons circonstanciées à l’origine de la crise du logement qui resurgit régulièrement en France, et sans doute un peu partout. Il n’empêche qu’on évacue un peu vite un élément essentiel à l’intelligence du problème : quoi qu’on dise ou fasse il impute toujours à l’individu la responsabilité de se loger, toujours on envisage le problème comme relevant d’une espèce de choix individuel alors qu’il est manifeste que se loger relève de la nécessité la plus absolue. Le logement permet de se protéger du froid et de la pluie et donc de rester en bonne santé physique ; il permet de conserver les aliments et les vêtements dont nous avons également besoin ; il permet d’échapper au regard et à la présence d’autrui, de protéger son intimité et de laisser libre cours à sa sexualité (débridée ou pas) et donc de rester en bonne santé psychique ; il offre un havre de repos au travailleur (ou au chômeur ou au retraité ou à l'étudiant ou au malade ou à la femme enceinte...) fatigué et lui permet de s’ouvrir au monde sachant qu’il peut toujours le fuir derrière ses murs s’il en éprouve le besoin. Aucun homme ne peut vivre dignement sans logement, c’est une chose qui nous apparaît tellement évidente qu’on ne pense même pas à l’argumenter. S’il est bien nécessaire de se loger, la liberté de choix de l’individu n’a donc rien à faire ici: toute liberté est abolie devant la nécessité, aussi désagréable soit-elle et nous ne sommes pas davantage libres de nous loger que de ne pas mourir ou de ne pas nous casser le poignet en tombant sur le trottoir. Ainsi l’individu ne saurait être tenu pour responsable du fait qu’il dispose ou non d’un logement comme du fait qu’il ait besoin d’un logement de tel ou tel type: si l'on considère légitime que celui qui ne peut payer un loyer n'est pas de logement alors qu'il est nécessaire à l'homme de se loger, qu'on m'explique à quoi sert la société, à quoi sert de vivre dans une société si celle-ci est incapable d'assurer à ses membres l'assurance de leur survie.

Pourquoi, dans ces conditions, le logement relevant de la nécessité, le soin de se procurer un toit incombe-t-il à l’individu qui n’est pas responsable de l’état général de l’économie ou du marché de l’immobilier ? Et d’ailleurs pourquoi existe-t-il un marché de l’immobilier ? Le marché présuppose le libre choix parmi une offre diverse, il organise la relation entre une demande et une offre ; il présuppose aussi que, pour que s’opère un choix rationnel et autonome, le demandeur puisse renoncer à l’objet du marché. Le marché implique en outre que la capacité de choisir dépend d’une évolution des coûts qui est elle-même déterminée par le rapport entre une demande et une offre, autrement dit par la capacité d’investissement des demandeurs autant que par la capacité de l'offre à répondre à la demande: ainsi l’offre de logements sera d’autant plus coûteuse que la capacité des demandeurs à payer plus cher le même bien grandira elle aussi, de sorte que deux logements rigoureusement identiques n’auront pas le même coût selon qu’ils se situent à Paris ou à Guéret : certes le niveau plus élevé de la demande à Paris expliquera en partie ce décalage mais ce n’est pas la seule raison : le niveau plus élevé du revenu d’un ménage parisien joue aussi un rôle important car si le coût financier de l’offre excède la capacité d’investissement du ménage il sera dans l’incapacité d’y souscrire, et si la capacité d’investissement globale des ménages est inférieure à ce coût financier le niveau de l’offre devra baisser. A niveau de tension égal sur le marché du logement le coût d’un même bien variera donc en fonction du niveau de revenu des demandeurs en compétition. On peut constater aisément ce phénomène dans les petites villes industrielles qui se trouvent absorbées par la croissance de grandes villes où les fonctions tertiaires supérieures sont surreprésentées : quand débarquent des familles de cadres supérieurs les prix grimpent en flèche et les ménages ouvriers qui pouvaient y trouver à se loger auparavant sont contraints de laisser la place ; ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les ménages modestes des grandes villes qui souhaitent accéder à la propriété s’installent à la campagne, et souvent à des dizaines de kilomètres de la grande ville. Ainsi les prix grimpent d’autant plus que les demandeurs sont eux-mêmes plus riches, ce qui implique que les plus faibles soient expulsés d’un marché où il n’ont que faire.

En fait ce marché de l’immobilier est un marché de dupe dont la finalité semble davantage de marquer les distinctions sociales que de permettre l’accès au logement : le « marché » immobilier et du logement n’est qu’une construction politique et non une réalité à laquelle il nous serait donnée de nous adapter, il est le moyen par lequel une société fondamentalement inégalitaire organise spatialement la ségrégation sociale. Organiser la culture de l’entre-soi constitue somme toute un artifice efficace afin de rendre invisible l’inégalité parmi les hommes qui fonde notre société soi-disant républicaine. Mais ce marché est aussi un instrument coercitif car, inévitablement, il se trouve toujours des vaincus dans la lutte pour accéder au logement, comme il se trouve toujours des privilégiés: nous avons aujourd'hui nos SDF, hier avait ses clochards et jadis ses chemineaux. N’est-ce pas un bon moyen, alors, de faire peur aux gens, de leur montrer la précarité de leur situation et donc leur intérêt à se soumettre à l’ordre des choses ? En organisant l’expulsion des plus faibles la société capitaliste contraint les individus compatissants que nous sommes tous (et qui, en conséquence, s’identifient aux exclus et aux victimes sacrificielles du système) à s’accrocher à leur statut social un peu moins inférieur et à perpétuer ainsi les inégalités : elle les contraint à ne pas remettre en cause un système efficace d'un point de vue strictement économique mais d'une extrême brutalité au point de vue social, ce en utilisant leur propre angoisse induite par l’empathie qu’ils ressentent envers les victimes en soumettant à leur regard et à leur conscience angoissée et compatissante ce qui arrive aux inadaptés ou aux insoumis. Et c'est ainsi que l'on se préoccupe beaucoup, quand on est libéral (de gauche ou de droite), de l'accession à la propriété des classes dites populaires, pour les instituer en agents de leur propre assujettissement, en défenseurs d'un ordre qui finit toujours par les écraser d'une manière ou d'une autre, un jour ou l'autre: en devenant propriétaires les ménages modestes (et les autres avec eux d'ailleurs) croient se protéger de la précarité qui les angoisse quand ils ne font que contribuer à entretenir cette éternelle crise du logement qui est source de leur angoisse. L’exclusion sociale et l’expulsion du marché des plus faibles sont bien consubstantielles à cet absurde marché, il est par conséquent dérisoire et ridicule de verser une larme sur le sort des « malheureux » si on ne remet pas en cause dans son existence même un marché dont les effets néfastes, s’ils peuvent être par moment contenus par quelque expédient, resurgissent telles qu’en eux-mêmes à intervalles réguliers. Dit autrement, ce n'est pas la somme des résolutions individuelles qui résout un problème politique. Et le problème politique ce n'est pas la crise du logement mais l'existence d'un marché du logement.

Nous ne sommes pas libres de nous loger mais nous ne sommes pas davantage libres de choisir tel ou tel logement. Même là l’idée d’un libre choix que chacun pourrait déterminer relève de l’absurdité puisque c’est du niveau de revenu que dépend l’étendue du choix du type de logement : un cadre supérieur célibataire a plus de choix qu’un couple de smicards à temps partiel avec trois enfants. Si liberté il y a c’est alors d’une liberté relative à la richesse et à l’entregent, autrement dit de la liberté du plus fort de dominer et d’opprimer le plus faible, liberté fallacieuse puisque je ne peux être libre que pour autant que je reconnais autrui comme mon égal en liberté et donc m’interdis de le dominer comme je lui interdis de me dominer, le tout étant assuré par le contrat social qui fonde une société d’hommes libres et égaux et la collectivité instituée par eux à cette fin. Ainsi dans une société régie par un contrat assurant liberté et égalité (c’est-à-dire liberté dans l’égalité et égalité dans la liberté) le logement, s’il est reconnu comme une nécessité à laquelle l’individu doit se plier et non comme une possibilité soumise au libre choix de l’individu, ne peut être laissé au soin d’un marché qui n’est qu’une illusion et une construction politique en totale contradiction avec les principes de notre République dont la finalité est justement d’assurer la réalisation du contrat social. La question du logement constitue effectivement un problème politique et non individuel : si nous ne sommes pas libres de nous loger et que la société républicaine a pour fin la liberté et l’égalité des hommes alors c’est à la Cité qu’il appartient de se saisir de la question du logement et d’assurer à chacun un logement comme elle assure à chacun l’accès aux soins.

Pourquoi, alors, ne pas abolir purement et simplement le marché du logement et la propriété privée en matière immobilière ? Ainsi serait instituée une caisse nationale de l’habitat à laquelle chaque ménage cotiserait au prorata de son revenu, cotisation en échange de laquelle il aurait droit à un logement adapté à ses besoins. La politique de l’habitat relèverait d’un ministère national chargé de légiférer dans le domaine de l’urbanisme et de l’habitat, de définir les orientations politiques telles que le niveau des cotisations tandis que la gestion effective de l’urbanisme et de l’habitat serait confiée à des préfets élus au suffrage universel dans le cadre des bassins de vie. Ainsi, chaque ménage cotisant, il aurait droit à un logement décent, la collectivité ayant le devoir de lui en fournir un du fait même qu’il cotise. Dans ces conditions tous les citoyens seraient dans la même galère, les classes supérieures et moyennes ne pourraient plus compter sur leur argent ou leur entregent pour leur assurer un logement et donc faire comme si de rien n’était : si les médecins, les avocats ou les hauts fonctionnaires affrontaient les mêmes difficultés d'accès au logement dans des conditions décentes que les chômeurs, les smicards et les travailleurs pauvres ou précaires nul doute qu’il n’y aurait pas de crise du logement. Bien sûr, pour être viable, un tel système nécessiterait d’établir des standards élevés de confort pour tous de même que des modalités efficaces d’application des règles de bon voisinage ainsi qu’une lutte sans faille contre la violence et la délinquance, une véritable prise en charge des enfants, des adolescents et des adultes en difficulté afin de prévenir les comportements déviants et les troubles psychiatriques, une abolition pure et simple de la pauvreté et du chômage, etc. ce qui passerait sans doute par un renforcement du contrôle social : peut-être faudrait-il, à l’instar de ce qui s’est fait au Venezuela, instituer des « conseils communaux » (à une échelle micro-locale de cent à deux cents ménages) en charge des problèmes afférents à la communauté de voisinage et aptes à attirer l’attention des services sociaux ou judiciaires le cas échéant. Sans aucun doute cela aurait des aspects désagréables mais ça serait peut-être préférable aux portes blindées, murs d’enceinte et caméras de surveillance qui nous protègent des autres en nous emprisonnant.

samedi 27 janvier 2007

Pour et à la fois contre l'intégration de l'Ukraine au sein de l'Union européenne...

...dans une audacieuse perspective géopolitique quant à l'avenir de l'Europe, son indépendance, son unité, sa sécurité et sa place dans le monde agrémentée de menues allégations historiques, culturelles, économiques et sociales.

L’intégration de la Turquie n’interdit-elle pas un élargissement vers l’Ukraine et la Biélorussie ? Contrairement à ce qui a été péremptoirement affirmé par les turcophiles il n’y a pas qu’en France que l’opinion est majoritairement opposée à l’adhésion turque, c’est le cas même à l’échelle européenne. Peut-être la Turquie parviendra-t-elle malgré tout à intégrer l’UE, et peut-être les opinions se laisseront-elles infléchir : il n’en reste pas moins que la pilule turque sera très dure à avaler pour l’opinion européenne, ce qui ne sera pas sans répercussions sur de nouveaux élargissements. A mon avis l’adhésion de la Turquie à l’UE renverra aux calendes grecques les éventuelles adhésions ukrainienne et biélorusse, ce qui affaiblira peut-être les partis pro-européens dans ces deux pays et renforcera les tendances pro-russes, éloignant encore plus ces pays de l’Europe. Mais peut-il en être autrement ?

Il est bien évident que les négociations entre l’Europe et la Turquie sont parties pour durer très longtemps, ne serait-ce que pour acclimater progressivement les opinions publiques à une perspective qui n’a rien d’enchanteresse. Quoiqu’il en soit les négociations (et les diverses phases de tension qui ne manqueront pas de survenir entre les deux parties ne vont sans doute pas contribuer à accélérer le cours des choses) vont nous occuper pour une dizaine d’années : en gros si la Turquie intègre l’Union ça se fera plutôt autour de 2020. Or, pendant toute cette période et vu le caractère difficultueux de l’affaire, il est tout aussi évident que personne n’aura l’audace d’initier des négociations avec des pays quasiment aussi problématiques, pour des raisons diplomatiques, économiques, financières et démographiques mais aussi de représentation du monde notamment en France. Sachant le coût pour l’Union (c’est-à-dire pour les pays riches de l’Union) de l’intégration de la Turquie mais aussi des Balkans (un ensemble de 120 millions d’habitants dont le PIB représente 30% de la moyenne européenne) si l’on veut aider ces pays à rejoindre les standards de développement occidentaux à l’instar de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce (pays qui ne comptait au moment de leur adhésion que 60 millions d’habitants pour des PIB qui représentaient plus de 50% de la moyenne communautaire), et tout cela alors que l’Europe doit déjà consentir un effort financier conséquent dans des PECO qui n’auront probablement pas combler intégralement leur retard et donc devront continuer à être soutenus financièrement par l’Union (il a bien fallu 20 ans pour que l’Espagne rattrape l’Europe et encore faut-il garder à l’esprit que le Portugal et la Grèce sont encore loin d’avoir comblés leur retard de développement) –sachant cela il me semble impossible d’envisager avant très longtemps un énième élargissement de l’Europe toujours plus à l’est et vers des pays toujours plus pauvres. Avec les Balkans et la Turquie on n’en prend pour un demi-siècle de subventions et de transferts de richesse dans des pays à la fois deux fois plus pauvres et deux fois plus peuplés que les PECO dont le financement du soutien économique a déjà été péniblement arraché aux pays de l’Europe occidentale. Aucun dirigeant occidental n’avancera sérieusement l’idée d’un tel élargissement alors que l’opinion européenne accepte déjà difficilement des élargissements forcés ; aucun n’ira proposer d’alourdir encore plus la facture européenne et ce d’autant plus que l’Europe devra faire face à d’autres enjeux.

C’est d’ailleurs sans doute là que réside le cœur du problème de l’hostilité relative aux élargissements, dans la multiplication des défis de grande envergure que les pays européens doivent relever concomitamment. Il y a d’abord le développement économique de l’Asie qui est en train de renvoyer l’Europe à la périphérie du monde. Aujourd’hui le centre de gravité de l’économie mondiale se situe dans la relation sino-américaine, dans leurs échanges commerciaux et financiers : les Etats-Unis important en masse des produits made in China soutiennent ainsi sa croissance économique et, à la suite de cette croissance, permettent à la Chine de préserver la paix civile et sociale ; la Chine en retour finançant les gigantesques déficits américains leur donne les moyens de maintenir un niveau de croissance très élevé qui permet à ses consommateurs d’acheter des produits notamment made in China mais aussi made in Europe et à ses entreprises de siphonner une épargne mondiale attiré par des perspectives de profit qu’aucune autre économie ne peur leur faire reluire. A plus long terme, si la Chine continue sur sa lancée, c’est l’Asie orientale elle-même qui deviendra le centre de gravité de l’économie mondiale, repoussant encore plus l’Europe dans son éloignement et son isolement de sous-région riche d’une région pauvre. D’ailleurs le poids économique de l’Europe dans l’économie mondiale ne cesse de décroître pour une raison simple : l’Europe n’invente plus rien depuis longtemps et se contente d’adopter les avancées technologiques en provenance des Etats-Unis et du Japon. C’est là un défi considérable si on ne veut pas que l’Europe ne se transforme en une super Venise : une ancienne puissance considérable réduite au rôle de musée et de promenade touristique ; c’est un défi considérable qui contraindra l’Europe à consentir un effort financier substantiel si elle veut, au moins, maintenir son rang dans l’économie mondiale, un effort substantiel qui pèsera d’autant plus sur les dépenses publiques qu’il faudra compenser 20 ans de sous-investissements.

Ce n’est toutefois pas le seul défi : le vieillissement de la population européenne en constitue un autre au moins aussi important. Je crois avoir lu quelque part qu’en 2050 la moitié des Européens auront plus de 60 ans, ce qui ne manquera pas d’avoir des conséquences fortes sur les systèmes sociaux de tous les pays, sachant que, d’une part, le coût des pensions va forcément croître très fortement et d’autant plus que le nombre d’actifs diminuera en même temps mais aussi les dépenses d’assurance maladie ainsi que la prise en charge des personnes dépendantes dont il faudra bien assurer l’autonomie en développant les services à la personne (c’est-à-dire en dotant ses services de statuts dignes de ce nom et de perspectives financières pour les salariés conséquentes). Là encore nous sommes face à des coûts qui vont peser de plus en plus fortement sur les budgets publics, et ce de manière incompressible si l’on souhaite maintenir nos systèmes de solidarité nationaux. En outre le vieillissement rendra nécessaire d’accroître toujours plus la productivité du travail, ce qui impliquera d’accroître les dépenses d’éducation afin de permettre aux enfants de milieux modestes d’accéder massivement à l’enseignement supérieur. Aujourd’hui en France la collectivité dépense deux fois plus pour un étudiant d’une grande école que pour un étudiant universitaire : si on souhaite augmenter sensiblement le nombre de diplômés du supérieur il n’y a d’autre choix que d’augmenter fortement l’investissement public dans ce secteur. Et ça n’est pas tout, devant la pénurie grandissante de main-d’œuvre qualifiée nous ne pourrons plus nous payer le luxe cynique de sacrifier dix à quinze pour cent de chaque classe d’âge en laissant sur le carreau les moins inadaptés au système scolaire de nos enfants : il faudra bien pour ce faire développer des formes adaptées spécifiquement pour les enfants en échec dans le système actuel, en échec parce qu’ils ne parviennent pas à s’y insérer et parce qu’il n’est pas conçu pour eux ; or cela aura forcément un coût pour la collectivité d’être obligé de payer quasiment un précepteur individuel à chacun de ces inadaptés qui nécessitent un encadrement et une attention plus grande de la part de leurs éducateurs. Au-delà de l’éducation des enfants et des jeunes il sera également nécessaire de consacrer de plus en plus de temps et d’argent à la formation professionnelle des adultes, ce qui aura également un coût sensible.

Les élargissements successifs à des pays de plus en plus pauvres ne posent peut-être pas en eux-mêmes directement des problèmes insurmontables, ils ont simplement le mauvais goût de survenir inopinément à un moment historique délicat pour les pays de l’ouest du continent, un moment où les contraintes financières vont peser de plus en plus lourd sûr les collectivités publiques et où des choix difficiles et cruciaux devront être décidés. L’Europe se trouve placée devant des défis qui ne sont sans doute pas insurmontables mais qui n’en seront pas moins délicats à surmonter : dans ce contexte cet élargissement sans fin de l’Union apparaît comme un problème supplémentaire et, pour beaucoup de gens, superfétatoires dans la mesure où l’Europe est une notion assez vague aux contours mal définis.

L’Europe, pour la plupart des gens, c’est avant tout leur pays et ceux qui l’entourent : vu de France, l’Est commence à partir du Rhin et l’Allemagne est déjà un pays de l’Europe orientale au-delà duquel on s’enfonce dans les profondeurs du continent comme dans des abysses insondables autant qu’obscurs. Certes la Pologne, qui se trouve à l’est de l’Allemagne, se trouve toujours en Europe, mais c’est surtout grâce à Napoléon dont la recréation d’un Etat polonais nous est enseignée à l’école, école qui nous avait au préalable appris que la Pologne avait été victime d’un dépeçage indigne de la part de ses voisins notamment la méchante Prusse avec laquelle la France a elle-même eu maille à partir : dans notre représentation du monde la Pologne est européenne par la grâce de l’Education nationale et de l’Histoire de France mais c’est quand même, et malgré tout, le bout du monde. Objectivement je crois que la France continue à percevoir l’Est comme un monde étranger et indifférent, et comme la France se définit comme un pays européen elle est contrainte de faire un effort sur elle-même pour considérer comme véritablement européennes les régions qui se situent à l’est du Rhin. Peut-être est-ce lié à l’histoire : la France a été arrachée à la barbarie par les Romains qui ont finalement fixé sur le Rhin la frontière entre l’Empire romain et le Barbaricum, coupant ainsi les peuples gaulois du monde barbare auquel ils étaient apparentés ; c’est Rome qui nous a donné un droit et des structures étatiques, c’est Rome qui nous a donné l’écriture et la civilisation, ainsi que sa langue. La France perpétue Rome, avec l’Italie, l’Espagne et le Portugal et nous continuons sans doute d’être marqués par cette frontière tracée par les Romains qui sépare la civilisation de la barbarie : encore aujourd’hui ce qui est allemand ou est-européen apparaît toujours comme plus ou moins ringard. En outre et depuis 2000 ans c’est toujours de l’Est que viennent les invasions. Il est aussi vrai que le Royaume de France a toujours été en butte au Saint Empire, que c’est en annexant progressivement des provinces impériales que l’unité nationale s’est construite, des Flandres jusqu’à la Provence. Et de la même manière c’est contre l’Allemagne et l’Autriche que la France a dû se battre pour conserver son indépendance depuis la Révolution jusqu’à la Libération. Pour nous l’Est a constitué pendant des siècles un danger mortel, un monde obscur et barbare ou arriéré avec lequel nous n’avions guère d’affinités, ce qui aboutit dans notre monde européen pacifié et civilisé à ressentir une grande indifférence envers ces « profondeurs du continent ». La France regarde davantage vers l’ouest et le sud qui ont représenté des siècles durant l’aventure et la découverte ainsi que des perspectives de puissance pour l’Etat. En ce sens je crois que l’Argentine nous apparaît moins étrangère et moins lointaine qu’un pays comme l’Ukraine que nous n’avons pas fréquenté en cours d’histoire géographie : si la Pologne représente déjà le bout du monde l’Ukraine qui se trouve encore plus à l’est n’apparaît pas d’emblée comme européenne. Je ne crois pas d’ailleurs qu’il y ait en France d’hostilité à une adhésion ukrainienne mais plus une forme d’indifférence ; autrement dit une non-intégration de ce pays dans l’Union ne troublerait pas grand monde et, vu l’ampleur des multiples défis qui s’annoncent, son éventuelle adhésion apparaît surtout comme un problème supplémentaire dont on se passerait volontiers dans la mesure où l’Europe unie est pensable sans elle (alors qu’elle n’est pas pensable sans un pays comme la Grèce par exemple).

Je crains que l’Ukraine et la Biélorussie n’arrivent trop tard. Ce d’autant plus qu’il faudrait affronter une Russie qui monte en puissance et qui escompte bien redevenir une puissance notable dans le monde, et notamment dans le concert européen. Après tout l’ex-URSS représente un ensemble de 300 millions de personnes riche en hydrocarbures et l’idée pour la Russie de créer une « Union européenne » bis à l’est ne m’apparaît pas saugrenue, d’autant que je ne suis pas persuadé que les opinions ukrainienne, moldave et biélorusse soient massivement favorables à l’intégration européenne. L’Ukraine et la Moldavie compte de fortes minorités russes, quant aux Biélorusses ils sont majoritairement russophones. Qui plus est ces pays sont liés à la Russie par des siècles d’histoire commune. De toute manière je doute que la Russie apprécie beaucoup l’idée d’une extension de l’Europe à ces trois pays, ce qui rend encore plus difficile d’éventuelles adhésions. Je vois mal l’Europe, qui est déjà empêtrée dans ses propres contradictions économiques, sociales, fiscales, monétaires, politiques et diplomatiques, s’engager dans un bras de fer avec Moscou alors même que ces nouvelles adhésions accroîtraient encore plus ces contradictions et tout cela contre la volonté des peuples ou, au mieux, avec leur soutien mitigé. Si l’Europe est amenée à développer des relations ambiguës avec son grand voisin eurasiatique, je ne pense pas qu’il soit très clairvoyant d’accroître encore ses contradictions et ses tensions internes, ce qui contribuerait à l’affaiblir encore plus dans ses relations avec la Russie.

Cela me semble d’autant plus vrai que, comme je le dis plus haut, une intégration de ces pays de l’ex-URSS ne serait possible qu’une fois digérée les intégrations turque et balkanique et surmontés les grands défis qui vont se poser de plus en plus crûment à nous si nous voulons maintenir nos niveaux de vie et notre place dans le monde. C’est-à-dire que ses perspectives nous renvoient peut-être à une trentaine d’années dans ce siècle qui vient de commencer et qui nous verra mourir : autant dire que, ces pays devant faire des choix rapides eux aussi entre l’intégration européenne et l’alliance russe, la Russie retrouvant un peu (et peut-être beaucoup) de son lustre passé apparaîtra sans doute de plus en plus comme une alternative crédible pour l’opinion de ces pays (qui est composée d’une bonne partie de Russes). Et d’ailleurs n’a-t-on pas intérêt à ce que la Russie soit forte ? D’une part parce qu’une Russie riche et restaurée dans sa puissance, discutant d’égale à égale avec l’Europe et écoutée dans le monde, serait sans doute moins agressive et attachée à des vétilles du genre des querelles picrocholines qui l’opposent à l’Estonie et la Lettonie à propos de quelques kilomètres carrés de territoires contestés (alors que la Russie représente un sixième des terres émergées !). D’autre part parce qu’alors, la Russie ne représentant plus un danger pour l’Europe et notamment ses pays de l’est, l’Union pourrait plus facilement s’autonomiser dans sa défense, et donc sa diplomatie, par rapport aux Etats-Unis puisque, désormais à l’abri au point de vue de la sécurité de ses frontières extérieures, elle pourrait se consacrer au problème épineux que constitue la sécurisation des routes maritimes et de ses approvisionnements en matières premières car c’est bien là, à mon avis, que se situe la dépendance de l’Europe et, donc, sa faiblesse : dans la dépendance aux Etats-Unis qui assurent sa protection face à la Russie et qui sécurisent ses approvisionnements énergétiques. Or, tant que la Russie représentera une menace, aussi infime soit-elle, pour les pays de l’Est, jamais l’Europe ne pourra s’organiser aux points de vue diplomatique et stratégique car lesdits pays de l’Est n’accepteront jamais que l’Europe s’autonomise en ces matières tant qu’ils ressentiront la moindre menace russe. Par contre le jour où cette menace se sera dissipée ils n’auront plus d’autres sources d’inquiétude que celles liées aux matières premières importées, à la sécurisation des contrats avec les pays producteurs ainsi que des routes maritimes qui permettent leur acheminement. Et alors ils se rendront compte, et nous avec, que c’est notre commune dépendance aux Etats-Unis qui nous met en danger car elle nous oblige à soutenir notre protecteur quand on constate que les intérêts économiques et politiques de l’Europe et de ce pays sont souvent divergents voire opposés : regardons le Moyen-Orient qui est en train de se transformer en poudrière, le jour où il explosera nous en subirons directement les conséquences, pas les Américains, or si l’Europe s’autonomisait par rapport aux Etats-Unis elle serait capable de s’opposer à leur politique désastreuse dans cette région et notamment de peser de tout son poids pour crever l’abcès israélo-palestinien (les relations économiques d’Israël avec l’Europe sont cruciales pour la prospérité de ce pays, les accords douaniers israélo-européens constituerait un moyen de pression substantiel sur Israël de même que le soutien financier à l’Autorité palestinienne sur les leaders palestiniens).

Et si l’indépendance et l’unité de l’Europe passaient par le renouveau de la puissance russe ? Après tout, si les Etats-Unis sont favorables à l’occidentalisation de l’Ukraine, de la Biélorussie, de la Moldavie, de la Géorgie, de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan et de l’Asie centrale, s’ils font tout pour affaiblir la Russie et empêcher sa renaissance en tant que grande puissance, n’est-ce pas aussi parce qu’ils supputent qu’une Russie faible constituerait une menace sur la sécurité de l’Europe et donc un moyen de pression pour eux sur les nations du Vieux continent ? Et si la « libération » de ces pays de la tutelle russe constituait pour les Etats-Unis un élément de leur stratégie d’asservissement de l’Europe, asservissement dont ils auront besoin à long terme pour maintenir leur statut d’hyper puissance devant la montée de la Chine et de l’Inde ? N’aurait-on pas finalement intérêt à ce que ces pays restent dans l’orbite russe et concourent à accélérer le redressement de la Russie ? N’est-ce pas par là que passe l’indépendance et l’unité de l’Europe ?

vendredi 26 janvier 2007

Pourquoi il faut rendre le vote obligatoire ainsi que l'inscription sur les listes électorales...

...afin de contribuer à améliorer la représentation du peuple, contribution sans grand intérêt par ailleurs.

Ne serait-il pas plus sain en effet pour notre démocratie que de rendre obligatoire l’inscription sur les listes électorales ainsi que la participation aux élections ? C’est un fait que, généralement, ce sont les plus faibles qui s’abstiennent, ceux que leurs conditions sociales d’existence dégradées et précaires conduisent à ne plus croire en la capacité du politique à changer les choses, à rendre la société meilleure et moins brutale. L’abstention massive des classes paupérisées contribue en outre à reléguer les problèmes spécifiques de ces populations à la périphérie des enjeux politiques, enjeux liés en grande partie aux enjeux politiciens des partis en lutte pour conquérir les suffrages des électeurs. On peut constater à ce sujet que des problèmes tels que le logement, le pouvoir d’achat, le chômage massif ou la précarité de l’emploi montent en puissance dans le débat politique (ou plutôt politicien) depuis que les classes moyennes, qui, elles, votent, sont rattrapées par ces évolutions socio-économiques qui touchent les classes populaires depuis les années 80, sans que cela ait beaucoup préoccupé les gouvernants de ce pays. Le summum de cette indifférence a d’ailleurs été atteint avec la campagne présidentielle de M. Jospin en 2002 dont le slogan étalait son ambition de « présider autrement », ambition sans doute légitime mais inaudible pour des gens qui ont des préoccupations beaucoup plus immédiates et triviales, comme de payer son loyer par exemple. Engager des réformes institutionnelles est sans doute nécessaire mais il faut être aveugle ou isolé dans sa tour d’ivoire pour faire de ces réformes la pierre angulaire de sa campagne.

En outre, en République, la loi est censée émaner du peuple ; en tout cas c’est au nom du peuple souverain que les représentants élus établissent la législation, ratifient des traités internationaux, etc. Est-il acceptable dans ces conditions qu’une part seulement du peuple concourt à la désignation des députés, du président, des maires ? Peut-on considérer comme le représentant du peuple souverain celui qui a été désigné lors d’un scrutin auquel une partie seulement de ce peuple souverain a exprimé son opinion et son choix ? On peut toujours objecter que, de toute façon, aucun élu ne décroche une élection à l’unanimité, qu’il est toujours désigné par une partie du peuple et qu’alors, en suivant le raisonnement qui est le mien, aucun élu n’est jamais légitime. Cela étant je crois qu’il s’agit là d’un faux problème car, dans le cas où tout le peuple se prononce, il n’y a pas de doute quant au résultat du scrutin : même si certains ont voté contre le lauréat ils doivent reconnaître que la majorité de leurs concitoyens se sont prononcés autrement et ne peuvent remettre en cause la légitimité du vainqueur (dans le cadre d’une élection au scrutin majoritaire) ; dans ce cas le candidat ou la liste qui obtient 55% des suffrages obtient 55% des suffrages du peuple. Mais dans le système actuel le candidat ou la liste qui rafle 55% des suffrages ne peut prétendre à représenter 55% du peuple mais 55% des électeurs qui ont participé au scrutin : le vainqueur n’a pas obtenu 55% des voix du peuple souverain mais 55% des électeurs qui se sont prononcés ; si l’abstention a atteint 20% il n’a obtenu que 44% des voix du peuple et si elle atteint 40% il n’obtient plus que 33%, ce qui veut dire qu’il n’est pas majoritaire dans le peuple. Le vainqueur d’une élection où tout le peuple ne participe pas n’est donc pas un représentant du peuple puisque il n’a pas été élu par la majorité de ce peuple : il représente tout au plus les électeurs qui ont fait l’effort de se déplacer parce qu’ils se sont sentis concernés ; il représente la majorité des gens qui se sont déplacés mais non celle du peuple dans sa globalité et il est toujours possible de lui rappeler qu'il a été élu par une minorité de la communauté des citoyens, autrement dit qu'il est illégitime.

Par ailleurs si chacun est libre de ne pas participer aux scrutins qui décident de la teneur politique des élus, chacun, qu’il vote ou pas, est tenu de respecter et de considérer comme siennes les législations et décisions des élus. En refusant de participer à la prise de décision collective le citoyen abstentionniste se place dans la situation du sujet passif qui se soumet à la loi par la force des choses et non parce qu’elle représente l’expression de la volonté du peuple. L’abstention constitue une forme d’abandon de la collectivité politique ou d’indifférence à son égard, un renoncement à la citoyenneté qui affaiblit le principe de la souveraineté populaire, un des fondements de la démocratie. Cela ne serait pas absolument insupportable si nous ne vivions une époque où les politiciens ne mettaient pas en place et n’utilisaient pas des organismes européens et internationaux au sein desquels la souveraineté populaire et la citoyenneté sont biffées d’un revers de la main indifférent par leurs propres représentants élus : le Conseil des ministres de l’Union européenne est à cet égard assez significatif de même que le soin de confier à un ectoplasme politique irresponsable autant qu’illégitime les négociations commerciales de l’Union auprès de l’OMC. Il est manifeste que les gouvernants européens aiment bien la démocratie à condition qu’elle n’entrave pas les affaires et les intérêts économiques des classes supérieures : je constate d’ailleurs que, suite aux refus des peuples français et néerlandais de ratifier le TCE, aucun de nos fervents Européens de gouvernants n’a émis l’idée de convoquer une véritable convention européenne qui serait élue au suffrage universel. Je doute d'ailleurs que ma proposition de rendre le vote obligatoire rencontrerait beaucoup d'approbations chez ces mêmes personnes qui considèrent qu'il vaut mieux, finalement, que la vile populace se contente de voter à la StarAc' et ne vienne pas troubler les sages délibérations des hommes responsables et pragmatiques et réalistes ainsi que les très-sages conseils de leurs experts indépendants mais néanmoins stipendiés.

Cela étant, si on souhaite rendre le vote obligatoire, il faut aussi songer aux conditions favorables à la mise en œuvre d’une réforme qui rencontrerait peut-être une certaine opposition de principe, notamment chez ceux qui oublient que c’est la citoyenneté démocratique qui nous permet d’être libre. Ainsi, plutôt que d’organiser une loterie pour inciter les gens à se déplacer (à l’instar de ce qui a été proposé dans un Etat américain), pourquoi ne pas déplacer le vote du dimanche au mercredi et instituer le jour du vote férié ? Une telle mesure n’aurait rien d’impossible à mettre en œuvre, il suffirait de supprimer les fêtes religieuses qui ne signifient plus rien aujourd’hui et de bloquer tous les ans deux mercredis, par exemple les deuxième et quatrième mercredi de mars -et pourquoi pas deux mercredis supplémentaires qui serviraient à la tenue de référendums si on se décidait, en France, à développer cette pratique propice au plus immonde populisme, comme on dit dans les journaux où on pense que le peuple est mauvais par essence ? Si on réduit tous les mandats à 5 ans et qu’on regroupe les élections (présidentielle et législatives ; régionales et départementales ; municipales et communautaires) nous voterons tous les deux ans : en année sans élection je propose tout bêtement que les deux jours de vote soient transformés en jours de congé libres pour chaque salarié ; idem dans le cas où aucun référendum n'était prévu pour le ou les mercredis décrétés fériés en vue de l’organisation de votes populaires. De la même manière, s’il y a plus de quatre fêtes religieuses dans l’année (à l’exception de Noël qui n’a plus rien de religieux), les jours fériés qui seraient perdus par les salariés seraient convertis en jours de congé supplémentaires et libres.

Certes le simple fait de rendre obligatoire la participation électorale ne suffira pas à changer en profondeur le système politique, comme on peut le voir en Belgique, mais on peut supposer également que si le voté n’était pas obligatoire au Brésil un homme comme Lula n’y aurait jamais été élu président de la République. Une telle mesure ne peut être efficace que si elle s'intègre à une réforme plus vaste de la représentation politique et c’est pourquoi il faut changer la manière dont sont élus les députés au niveau national comme régional et européen, de telle sorte que les diverses catégories sociales participent non seulement à la désignation des représentants du peuple mais qu’elles soient équitablement représentées, sujet que j’évoquerai un peu plus tard...

jeudi 25 janvier 2007

Délocalisations ou du Cercle de la raison, badineries à connotations vaguement éthiques...

…à propos d’un phénomène évidemment nécessaire afin d’assurer le bien-être des travailleurs de tous pays dans le cadre très sain et solidaire de la division internationale du travail, incidemment bénéficiaire à quelques investisseurs ou actionnaires.

En délocalisant sa production sous des cieux plus cléments l’entreprise capitaliste n’agit bien sûr pas à sa guise : c’est bien parce qu’elle y est contraint par la réalité des choses c’est-à-dire par la concurrence que se livrent entre elles (ou, parfois, font semblant de se livrer) les entreprises capitalistes. On évoque trop peu la souffrance solitaire parce qu’indicible, et indicible parce qu’inaudible par le commun des travailleurs engoncé dans une existence irresponsable de salarié consommateur qui n’a d’autre souci que se loger, se nourrir, se reproduire et s’éjouir, du décideur économique amené comme malgré lui à transférer la production de la France, ou quelque autre pays riche, vers le Maroc, ou quelque autre pays pauvre : « rien ne me sera épargné », forte phrase en vérité qui raisonnera parmi les connexions neuronales de qui préside par la grâce de la naissance ou du hasard aux destinées de l’entreprise engagée dans une lutte sans fin pour sa survie au sein d’un monde cruel régi par l’impitoyable Loi de la sélection naturelle, monde sans issue pour qui refuse la Loi, sauvage et saine, nécessaire et terrible, donnée aux hommes par le Tout-puissant dont il est proscrit de prononcer le nom, proscrit et impossible puisque, en y réfléchissant plus longuement, je crois bien que personne n’a jamais su quel Tout-puissant a donné aux hommes la Loi qui ordonne toutes choses de l’économie capitaliste. Il est inutile et vain de s’opposer à la Loi de la concurrence parce que c’est comme ça et que ç’a toujours été comme ça, en vertu de l’argument imparable qui veut que ce qui est ainsi ne peut être autrement justement parce qu’il est ainsi : quiconque appartient au Cercle de la raison en conviendra, quant au mauvais esprit vociférant hirsute au milieu des effluves méphistophéliques de sa pensée virulente il lui sera beaucoup pardonné car ilne pense pas en vérité celui qui renie le Cercle de la raison. Ainsi l’entreprise délocalise par la force des choses plus que par la volonté propre de ses dirigeants et propriétaires.

Certes il est toujours loisible au travailleur hirsute d’évoquer la responsabilité du saint homme qui se tue au travail pour maintenir à flot l’entreprise, que certains nommeront patron. Mais est-il seulement responsable de l’état général de la compétition, sachant que celle-ci est induite par l’exigence rapace du consommateur de bénéficier de produits toujours moins chers ? En effet le consommateur, qui est bien souvent un travailleur, n’a de cesse de tirer les prix à la baisse : en détruisant l’emploi du travailleur dans le cadre d’une délocalisation de l’établissement où il fait bien souvent semblant de travailler, le décideur économique qui est un agent rationnel se soumet aux injonctions du consommateur qui est un agent rationnel, rien de plus. En dernier ressort c’est le travailleur consommateur qui, par son refus obstiné d’intégrer le Cercle de la raison, par son comportement irrationnel d’agent à moitié rationnel, est la source intarissable d’où jaillit, cristalline, la juste nécessité de fermer son usine pour aller embaucher de l’agent plus rationnel à l’autre bout du monde. Car le nécessiteux du bout du monde comprend la nécessité qui sous-tend ses dures conditions de travail et sa combien piètre rétribution comme il comprend la nécessité pour l’Etat de museler la pensée libre : où l’on constate que le pauvre diable souvent illettré, recru de souffrance et d’ignorance, est plus proche de la circonférence du Cercle que le mauvais esprit corrompu par le luxe et la paresse, érigé hirsute au milieu des nuées toxiques de ses pensers déjetés, remugles parmi le soleil s’avachissant rougeâtre à l’horizon éthylique et vaporeux de ses avantages sociaux…La Loi et la rapacité du consommateur sont bien à l’origine de cette triste obligation pour l’entreprise de délocaliser telles ou telles de ses activités dans un pays à bas salaires, nullement la cupidité du patron ou la voracité de l’actionnaire.

A ce moment le mauvais esprit ressurgissant toujours rétorquera que s’il achète les produits moins chers que les agents rationnels que sont les entreprises font fabriquer par les petites mains innocentes de leurs esclaves consentants, dits aussi collaborateurs du bout du monde, c’est tout simplement parce qu’il agit en agent rationnel qui n’a aucune raison de dépenser 100 euros pour l’achat d’un produit quand 50 suffisent. Le mauvais esprit, quand il n’est pas au travail mais au magasin (à l’exclusion de l’hôtesse de caisse), est aussi un agent rationnel tout comme le citoyen qu’il est malheureusement. Malheureusement parce qu’alors, paré de ce titre usurpé de citoyen, il peut s’adonner à son sport favori : dénoncer les décisions prises sur son dos et par-dessus sa tête par les agents très-rationnels que sont les ministres lorsqu’ils sont réunis en conclave à Bruxelles pour entériner les accords de libre-échange, gagnants-gagnants bien évidemment et pour tous pas que pour les actionnaires de tous pays, qu’a signé en leur nom un ectoplasme politique membre de la Commission européenne et dénommé fort à propos commissaire au commerce. Ignominie à n’en pas douter, d’une part de mettre en cause la Circulaire Union européenne sans laquelle les petits enfants mourraient de faim pendant que leurs papas agoniseraient dans quelque tranchée et que leurs mamans seraient contraintes de se couper les cheveux pour se casser les faux ongles dans les usines d’armement avant de finir violées à mort par les régiments de l’envahisseur victorieux, et d’autre part parce que le commissaire et les ministres, eux-mêmes très-Circulaires, ne décident pas l’ouverture des frontières commerciales de l’Europe avec des pays à salaires dix fois, vingt fois, trente fois plus faibles à seule fin de ruiner les travailleurs européens ; ignominie à laquelle je ne m’abaisserai pas que de rappeler la responsabilité politique dans l’affaire qui nous occupe, de rappeler que les ministres et les gouvernements qui signent des accords de libre-échange sont parfaitement conscients des conséquences sur l’emploi qu’entraînera l’apparition sur le marché de produits dix fois moins chers que ceux fabriqués en Europe, de rappeler qu’ils agissent consciemment quand ils signent de tels accords et savent pertinemment qu’ils auront, les accords, des répercussions négatives sur le marché du travail européen et le niveau des salaires ; jamais je ne m’abaisserai à pareille ignominie, véritable insulte à la démocratie et à l’intelligence des élus du peuple.

Car l’homme Circulaire raisonne et, de ce fait, développe une vision globale et à long terme : or le ministre et le commissaire sont des hommes Circulaires. En outre l’homme Circulaire est bon et juste parce que la bonté et la justice sont des attributs ontologiques du Cercle. Ainsi Circulaire il raisonne et voit en toute justice et en toute bonté ; et que voit-il ? Un monde de bonté et de justice à son image, un monde Circulaire où chacun jouira d’un niveau de vie digne et de standards d’existence qui lui permettront d’être libre et de se construire en tant que sujet autonome. Et c’est pourquoi les ministres et le commissaire ouvrent en grand les frontières de l’Europe, c’est pourquoi ils abattent consciencieusement les barrières commerciales qui nuisent à l’essor de l’économie mondiale, parce qu’ils savent qu’en dépit des souffrances inévitables (mais la souffrance n’est-elle pas la noblesse unique selon Baudelaire ?) qu’occasionneront les accords de libre-échange la croissance économique s’enrichira et le monde à sa suite ; et le monde n’est-il pas la somme des hommes qui le forment, si le monde s’enrichit cela ne signifie-t-il pas que les hommes, en conséquence, s’enrichissent ? Ces hommes ô combien Circulaires poursuivent donc des objectifs à long terme qui échappent au degré de conscience du travailleur français et européen dont le seul trouble philosophique se réduit à un pénible questionnement sur le choix de la destination où il estivera pour dilapider les émoluments que ses actionnaires et son patron lui distribuent pour son élévation ; ces objectifs sont donc l’amélioration des conditions d’existence des pauvres du Sud, raison pour laquelle il est primordial d’ouvrir les frontières afin d’y développer l’emploi, et la justice sociale, raison pour laquelle il est crucial d’y maintenir en place des régimes autoritaires et liberticides sans lesquels la corruption, le luxe et la paresse aurait tôt fait de ruiner le peuple des nécessiteux dévoyé par l’exemple de ces travailleurs européens irrationnels et hirsutes qui incriminent, ignobles ! leurs dirigeants politiques et décideurs économiques montrant par là même leur médiocrité intellectuelle et l'étendue de leur égoïsme vindicatif exigeant des prix toujours plus faibles qui obligent les entreprises capitalistes à l’exploitation des travailleurs du Sud tout en refusant de partager le travail avec eux : hypocrites salops ! Car, en vérité je vous le dis, la délocalisation représente un acte de solidarité internationale : c’est pour aider les pauvres du Sud qu’on y délocalise des emplois et c’est pour ça qu’on les paye le moins possible, tellement peu qu’ils sont souvent à peine moins pauvres qu’avant, parce que l’on valorise alors leur avantage compétitif : le fait d’être mal payé, leur pauvreté.

Mais là encore bondit le mauvais esprit : si son avantage compétitif c’est d’être pauvre ça n’est donc pas pour l’aider qu’on délocalise pour l’embaucher puisque la condition pour justifier qu’on l’embauche est qu’il persévère dans son être-pauvre, sans quoi on délocalisera ailleurs ? Esprit simple et sans malice, homme sans culture et à courte vue, ignores-tu donc l’histoire économique et sociale de l’Europe ? Ne connais-tu donc pas la règle de l’accumulation primitive du capital ? Pour que croisse l’économie, dans les âges premiers, il faut que les hommes Circulaires désignés par le Tout-puissant accumulent le capital en pressurant les salaires et en contraignant les travailleurs à travailler comme des bêtes de somme dans des conditions exécrables, ce qu’une perversion nomme exploitation de l’homme par l’homme, procédure inqualifiable et qui est absolument étrangère à la volonté et aux buts de l’investisseur accumulateur qui pense à long terme, qui pense au bien des descendants de ceux qu’il exploite, de ceux qu’il fait vivre de par son acte désintéressé à long terme veux-je dire. Le stade de l’accumulation, pour brutal qu’il puisse paraître, n’en est pas moins incontournable dans une optique globale qui envisage l’élévation de l’humanité et l’amélioration de la société ; la géhenne à laquelle il condamne l’ancêtre de l’hirsute et l‘homme du Sud n’est en fait qu’un purgatoire au bout duquel flamboient les mille enseignes lumineuses des grandes surfaces et des hard discomptes. Car c’est la Loi : le capitalisme pour prendre son envol et t’assurer un train de vie élevé traverse au préalable un âge terrible dont on ne peut faire l’économie : l’accumulation primitive du capital et l’exploitation féroce des travailleurs. Et voilà pourquoi il faut exploiter la main-d’œuvre du Sud : pour le bien de ses arrière-arrière-arrière-petits-enfants, afin de rendre possible le développement économique par l’accumulation du capital et ainsi faire en sorte qu’un jour lointain le petit enfant innocent de Sud puisse aller au centre aéré pendant ses vacances, jouer à la Playstation ou à la petite ménagère qui petit-repasse avec son petit fer à repasser le petit linge de son petit homme qui joue à la Playstation en devisant sur le bonheur d’être une femme égale aux autres dans une société libérale et libertaire qui libère la femme en lui procurant des fers à repasser électriques. Dis-toi bien, toi qui t’inquiètes de perdre ton emploi et de sombrer dans la précarité, que c’est grâce à la souffrance et au sacrifice de tes aïeux que tu bénéficies de ces avantages sociaux que le capitalisme te prodigue : ta prospérité de consommateur est fondée sur l’exploitation de tes aïeux et non sur de prétendues luttes sociales qu’ils auraient menées, de la même manière que la fortune des héritiers qui partent en Suisse pour fuir l’oppression fiscale. Foin de toute fiction camarade travailleur, mon semblable, mon frère, sois solidaire et soutiens les délocalisations, pense que c’est ton trisaïeul que l’on exploite pour ton bien par l’intercession du corps mortel et présent de l’homme de Sud.
................………………..

En fait, en partant dans le Sud, les entreprises capitalistes ne bougent pas dans l’espace mais dans le temps : ce n’est pas dans le Sud qu’elles transfèrent les emplois industriels mais au dix-neuvième siècle et ce ne sont pas des Chinois qu’elles exploitent mais nos ancêtres revenant d’entre les morts. Par le fait les délocalisations ont un sens politique clair, lui-même induit par une éthique aisée à comprendre. En changeant de point de vue, c’est-à-dire en envisageant ce phénomène non comme délocalisation mais comme « détemporalisation » après avoir écarté le sophisme de la nécessité, on voit plus clair : derrièrela nécessité économique, « nécessité » voulue et organisée par le pouvoir politique, c’est-à-dire pensée jusque dans ses conséquences effectivement inévitables dès lors que l’on supprime toute barrière douanière entre des zones aux écarts de développement considérables, derrière cette « nécessité » se cachent des objectifs politiques, reflets de considérations éthiques : le toujours renaissant refus de l’égalité parmi les hommes, l’obsédante exigence de la liberté pour les forts de dominer les faibles, la lancinante musique putrescente de la sélection naturelle qu’il est nécessaire d’appliquer à la société humaine sous peine de dégénérescence (le déclin dira-t-on pudiquement) ; une bonne vieille éthique qui sent bon son bourgeois dix-neuvième siècle ! Quant aux objectifs politiques : laver l’affront subi par les maîtres du capital depuis un siècle et demie, abolir ce vingtième siècle que l’on enseigne aux enfants comme celui de la Shoah et de la colonisation en oubliant la Sécurité sociale et la généralisation de la scolarité, en omettant la Guerre sociale où les maîtres ont dû s’avouer finalement vaincu. Les soi-disant délocalisations n’ont rien d’économiques mais sont purement et simplement l'expression du ressentiment des maîtres et de leur envie d’abolir le siècle dernier et tout ce qu’il a permis de construire : elles sont le résultat de choix politiques et de considérations éthiques réactionnaires.

La question qui se pose finalement n’est-elle pas de savoir quelle attitude adopter vis-à-vis de ceux, actionnaires et patrons, qui font le choix, car c’est un choix et non une nécessité si on envisage le phénomène dans sa globalité et non au cas par cas comme aiment le faire les politiciens pour mieux faire oublier leurs responsabilités écrasantes dans l’affaire et surtout pour ne pas déceler leur corruption abjecte (corruption qui ne consiste pas en dessous de table mais en renoncement à représenter la nation dans son entier au profit de la représentation des seules classes dirigeantes), qui font ce choix de « détemporaliser » leurs industries ? On transfère parce qu’on pense que l’exploitation des pauvres et des faibles est légitime, parce qu’on pense qu’un ouvrier n’est pas vraiment un homme, en tout cas pas un homme de la même manière que l’« homme Circulaire », on délocalise, on détemporalise pas parce qu’on y est contraint mais parce qu’on a savamment et posément construit les conditions qui rendent nécessaires les délocalisations-détemporalisations. Or, en détemporalisant, le décideur commet un acte qui a une valeur éthique et non économique, et cette valeur est contraire aux principes d’égalité et de liberté sur lesquels repose censément notre société : il fait le choix de l’exploitation et de l’oppression, il s’agit donc d’un délit. Ainsi le détemporalisateur est un délinquant qui s’insurge contre notre société et la nie par ses actes et ses choix rationnels. Il doit donc être sanctionné comme il se doit : par l’interdiction d’exercer toute activité de direction au sein d’une entreprise et la suspension de ses droits civiques pour une durée temporaire, à l’instar d’un élu convaincu d’un délit financier. Reste à savoir ce qu’il faut faire avec les héritiers des fortunes qui se sont construites au dix-neuvième siècle, ou plus précisément, puisque ces heureux élus ne sauraient être tenus pour responsables des saloperies perpétrées par leurs ancêtres et sur lesquelles repose leur fortune et leur patrimoine, ce qu’il faut faire avec ces fortunes et ces patrimoines qui sont la résultante de l’exploitation et du vol.

Au préalable encore faut-il déconstruire politiquement ce que la volonté politique a construit et cesser d’ânonner les comptines qu’on nous inculque à l’école : le libre-échange c’est plus mieux que le protectionnisme, les frontières c'est caca, la propriété c'est le vol…Un intrus s'est glissé dans le beau corps du texte mais lequel est-ce?

mercredi 24 janvier 2007

Sur la responsabilité du président de la République et la possibilité...

...pour le parlement de la même république de le destituer, ou de l'art d'envoyer des glaviots à la figure de millions de ses compatriotes l'air de rien, tout en arborant le plus charmant sourire et la plus impeccable tenue.

Peut-on n’être pas saisi par une intense émotion républicaine à l’entente de cette audacieuse réforme qui va bouleverser nos institutions, le rapport des citoyens avec leur représentant suprême, les relations entre la Nation et l’Etat, révolution véritable qui stupéfie l’univers : la responsabilité du président de la République devant le parlement et la possibilité pour celui-ci de démettre celui-là de ses fonctions ? Personne ne doute qu’après que la réforme sera entrée en vigueur le bureau d’enregistrement des édits présidentiels et bruxellois (aussi connu sous le nom exotique d’Assemblée nationale, hérité d’une ancienne et anthropologiquement incompréhensible coutume française d’un temps heureusement révolu) verra ses scribes se muer en horde sauvage prête à bondir à la moindre incartade du Grand Khan de Paris ou du Conseil souverain des Grands Khans de Bruxelles !

Ainsi donc dorénavant le président sera responsable devant le parlement qui pourra le destituer. Je crois qu’il faut d’abord souligner le courage exceptionnel d’une majorité parlementaire et gouvernementale qui instaure cette responsabilité quand son chef charismatique arrive au terme de son règne de distributeur automatique de prébende : comment ne pas voir là la quintessence de l’esprit républicain, l’incarnation même de l’esprit public et du dévouement au bien commun ? Qu’il me soit permis de saluer avec componction et démesure ce noble aréopage d’élus et de représentants du peuple ; qu’il me soit permis de le saluer et de le gratifier de mes vœux les plus sincères à l’occasion de l’année nouvelle qui se profile et qui verra certains parmi ses braves ignominieusement blackboulés des cadres majestueux du budget de fonctionnement de l’Assemblée nationale par une populace imbécile : grâces te soient rendues, Homme et Citoyen véritable, à toi qui t’offres en holocauste !

Car il s’agit bien là d’un acte courageux que s’apprête à commettre le parlement, qui pourrait en douter ? Bien sûr il est hautement improbable qu’une majorité parlementaire qui soutiendrait le président, qui appartiendrait au même bord, s’engage dans une procédure de destitution dont l’évocation seule d’une éventuelle initiative suffirait à flétrir son règne (que d’aucuns nommeront mandat pour d’obscures raisons que la philologie la plus poussée est incapable de mettre en lumière). De fait le seul contexte politique qui pourrait conduire à une initiative aussi terrible ne peut survenir qu’en cas de majorités distinctes à la présidence et à l’Assemblée, encore que même dans ce cas il est probable qu’un équilibre de la terreur digne de la Guerre froide s’instaurerait, chacune des deux hémisphères du marché électoral, dit aussi échiquier politique, sachant que si elle engageait une telle procédure quand son adversaire siège parmi les dorures, les petits fours et les eunuques du palais de l’Elisée elle risquerait que le même adversaire lui rende la pareille en cas de situation inversée ; mais enfin, même hautement improbable un tel risque n’en reste pas moins réel. Un mauvais esprit objectera que suite à une première réforme absolument désintéressée qui réduisit à 5 années la durée du « mandat » du Grand Chef (ou du président pour les esprits conservateurs) les deux élections, présidentielle et « législatives » (autre vocable archaïque qui ne déroutera que le lecteur populacier récusant toute culture classique), se trouvent aujourd’hui directement liées l’une à l’autre, l’élection présidentielle ouvrant cette attristante époque propice au populisme le plus nauséabond déterminant l’issue des élections « législatives » qui la suivent de peu et font essentiellement office de confirmation symbolique par le suffrage des sujets-électeurs du choix par eux effectué deux mois plus tôt de leur Grand Chef–on peut d’ailleurs à ce sujet regretter le gaspillage de fonds public suscité par ces élections superfétatoires et s’inquiéter de la perte terrible en intelligence conséquente aux délibérations définitivement incompréhensibles du vulgaire : ne serait-il pas plus rationnel, pour le bien même de ce corps nombreux autant qu’imbécile, de procéder à la désignation des députés par un collège international d’experts indépendants ? Il appert toutefois que les probabilités de voir une telle procédure mise en branle sont légèrement supérieures à celles de voir le Christ Jésus slamé en vieux persan les 852 pages du Traité constitutionnel européen et de ses notices explicatives tout en multipliant avec ses pieds les petits toasts cependant qu’il marcherait sur les mains dessus les eaux du lac de Vassivière en Limousin.

Une fois de plus le mauvais esprit surgissant des enfers avancerait l’idée que la source de la sujétion du parlement à la présidence se situe plutôt dans le maintien d’une institution hospitalière plus connue sous le nom de Sénat ; que le mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours exclut a priori quiconque ne joue pas le jeu de l’un ou l’autre des deux partis disposant de la jouissance de la représentation du peuple, ce qui place le « député du peuple » sous la coupe des chefs de clan qui se partagent les politburos et qui sont, au choix, ou président en exercice ou aspirant à le devenir ; que le caractère universaliste de la représentation qui place dans la même compétition électorale des citoyens qui sont certes égaux en droit mais ne le sont pas aux points de vue économique, social et culturel, élimine d’emblée l’impétrant qui n’émarge pas dans la catégorie des 10% des Français les plus riches et transforme l’Assemblée nationale en Conseil de l’ordre des notaires, des médecins et des hauts fonctionnaires ; que le cumul des mandats courant chez les parlementaires accroît sans aucun doute leur prestige et leurs revenus mais nuit nécessairement à la qualité de leur travail législatif en notre époque de bouleversements technologiques, économiques, culturels et sociaux, (politiques ?) ce qui contribue encore à les assujettir à l’expertise du Parti auxquels ils émargent et non à les autonomiser par l’effet magique d’un contact avec le terrain que leur conférerait le beau titre de Maire et dont ils n’auraient pas besoin s’ils ne profitaient d’émoluments au moins quatre fois supérieurs à la moyenne et représentaient également les catégories sociales depuis les RMIstes jusqu’aux plane people qui sont contraints de se réfugier à Bruxelles et à Genève pour fuir la persécution fiscale ; que la centralisation extrême de l’Etat et le caractère pyramidal des deux Partis uniques ralentissent fortement le renouvellement du paysage politique français et empêchent la ventilation de la vie publique nationale en déresponsabilisant les élus locaux (et donc en dédouanant les citoyens qui les élisent de tout contrôle de leurs actes en laissant à des fonctionnaires nommés par…le gouvernement le soin de ce travail nécessaire) et en faisant dépendre leurs carrières du bon vouloir des inamovibles chefs de clan qui se partagent indéfiniment le pouvoir au niveau national ; que les simples faits que les députés ne disposent même pas de la liberté de leur ordre du jour, qu’il n’existe pas de procédures d’évaluation des législations en vigueur et que la signature des décrets d’application des lois votées par les représentants du peuple soit laissée à la discrétion de ministres qui ne doivent leur place qu’à leur entregent (c’est-à-dire leur proximité avec le centre du pouvoir, le président, leur proximité autant dire leurs gentillesses à son égard), que cela donc ridiculise irréfragablement l’idée même que les députés bénéficieraient d’une once de pouvoir au sein de la République…

La France n’est pas une république mais une chefferie ! ça n’est pas en votant comme un seul homme des réformes qui devraient faire mourir de honte leurs auteurs tant elles transpirent le mépris crasseux qu’ils ressentent à l’égard de la populace, ça n’est pas en se couvrant de ridicule en votant comme un seul homme des réformes qui ne tromperont personne, dont les visées manipulatoires vis-à-vis de l’opinion sont tellement grossières qu’elles en sont insultantes (si nos gouvernants par la grâce du Père veulent nous prendre pour des imbéciles qu’ils le fassent avec un minimum de subtilité, de sorte que nous ne prenions conscience de notre statut de dindon qu’à la fin de la farce plutôt que de nous maintenir dans cet état humiliant qui fait que nous savons à l’avance que nous serons les dindons d’une farce sans consistance tout en sachant également que nous ne pouvons rien y faire et que nous serons indéfiniment les éternels dindons d’une farce à laquelle plus personne ne croit, pas même leurs auteurs sans doute), ça n’est pas en agissant de la sorte qu’ils se réhabiliteront auprès des Français ou qu’ils contribueront à leur rendre foi en la capacité du politique à changer les choses. Mais peut-être est-ce ce qu’ils cherchent, les beaux esprits qui nous gouvernent, que la populace se détourne non pas d’eux mais de la vie publique en général, qu’elle renonce à l’espérance politique et lui préfère l’espérance religieuse autrement dit qu’elle subisse les affres de l’ordre des choses qui ne changent jamais et contre lequel on ne peut rien en attendant le paradis pour plus tard, après la mort ! Et que se passera-t-il le jour où la populace se sera convertie au cynisme de ses élites ?

Sur l'affaire Sevran, où j'exprime confusément un doute profond quant au caractère raciste...

...du sombre individu tout en le dénonçant comme raciste d'un certain point de vue qui me semble désagréable et devrait comme tel susciter de nombreux remords tant chez l'auteur que chez le lecteur, tout ça à cause d'une discussion par moi saisie sur un forum dont la fin était de justifier les propos du diariste en citant des écrits d'auteurs africains allant dans le même sens.

D’où cette innocente question (et ce qui s’ensuit): peut-on comparer le jugement, aussi brutal soit-il, émis par un homme et un citoyen sur les moeurs de sa propre société (jugement qui constitue en fait un argument politique dans le cadre d'un débat public relatif à des choix sociétaux, moraux, économiques et culturels engageant l'avenir du pays et le modèle de civilisation qu'on souhaite lui voir adopter) avec le jugement à l'emporte-pièce porté de l'extérieur par un individu qui s'exclut lui-même du champ de sa critique tout en usant d'un langage racialisant désignant de manière indifférenciée un ensemble d'individus dont le seul point commun est la pigmentation de l'épiderme et qui ne saurait en aucune manière être considérés comme constituant une société à part entière ? En l'occurrence les propos de M. Sevran sont bel et bien racistes non parce qu'il dénoncerait le caractère excessif et handicapant de la natalité d'une partie de la population africaine mais parce qu'il racialise la chose en la décontextualisant. En utilisant le terme de « noir » plutôt que celui « d'africain » il transforme ce qui relève de problématiques culturelles et sociales en phénomènes afférents (pour ne pas dire conséquents) à une appartenance ethnique transnationale et transcontinentale, ce qui revient à faire relever le régime démographique de toute ou partie des sociétés africaines de l’époque actuelle d'une essence qui déterminerait a priori quiconque est noir à s'adonner à une reproduction effrénée de l'espèce, c'est-à-dire de la race si on respecte la logique induite par le langage utilisé par M. Sevran.

Cela est d'autant plus vrai que la notion de « noir » n'a de sens que relativement à la société d’où l’on cause : au Sénégal, 99% au moins de la population a la peau noire et je doute que, dans ce pays, quiconque se définisse ou soit défini comme Noir. D'ailleurs il existe de nombreuses nuances de couleur de peau entre les divers régions et peuples de l'Afrique noire, comme il en existe entre les populations blanches d'Europe et du pourtour méditerranéen ou les populations jaunes de l'Asie –je crois, à ce sujet, avoir lu ou entendu quelque part que tel peuple (les Peuls mais je n'en suis pas sûr) décrété noir par le regard du colonisateur européen était considéré comme blanc du fait de la peau claire de ses membres par les autres peuples ouest-africains, avant la colonisation du moins ; je crois même me souvenir que les Africains, dans des temps relativement lointains, avant que l'Homme blanc ne leur aient imposés ses représentations du monde, percevaient et désignaient les Européens comme des hommes bleus, et non pas blancs. En fait il n'y a de Noir que dans une société dont la majeure partie de la population a la peau claire, une société qui ne comptait, originellement, pas de Noirs parmi sa population, soit qu’effectivement il n’y avait personne qui eut la peau noire (en Finlande j’imagine ou en Pologne), soit que les Noirs n’étaient pas considérés comme membres à part entière de la société humaine (aux Amériques par exemple) soit que la société préfère omettre de se souvenir qu’il y avait des Noirs en son sein avant que des Africains noirs y émigrent (comme en France métropolitaine qui comptaient des habitants noirs déjà au dix-huitième siècle, c’est ainsi que sous la Révolution française des ressortissants des Antilles, c’est-à-dire des Français au même titre que les Normands, ont combattu dans les armées républicaines qui comptaient 12 généraux noirs, sans compter des centaines d’officiers et des milliers d’hommes, au moment où Napoléon le Grand amincisseur --on oublie trop souvent de rappeler qu’aucun régime n’a rétréci la France comme l’Empire napoléonien et que si le Napoléon III a fait perdre à la France l’Alsace et la Lorraine le grand Napoléon premier a fait perdre à notre pays les dix départements qui forment aujourd’hui la Belgique et le Luxembourg, les trois départements rhénans incluant notamment Aix-la-Chapelle, capitale de Charlemagne, ainsi que les départements qui avaient été constitués en Suisse romande-- décida de rétablir l’esclavage).

Ainsi donc l’usage de ce terme de « noir » utilisé par M. Sevran pour désigner les objets de son ire ne peut avoir de sens qu’en tant qu’on en juge depuis une société qui, si elle ne se définit pas explicitement comme blanche, n’en éprouve pas moins le besoin de qualifier et d’identifier spécifiquement ses membres à la peau noire du fait même de cette couleur de peau. Chacun sait qu’il n’y a pas de race mais nous faisons tous comme s’il était évident qu’existaient des blancs et des noirs : il nous semble évident de considérer les Portugais comme blancs alors qu’objectivement la couleur de peau d’un Portugais natif est souvent plus proche de celle de certaines ethnies africaines que des populations slaves. Ce qui existe réellement ce sont des nuances de couleur de peau qui vont du très clair au très foncé et non une frontière franche entre des Noirs et des Blancs, mais c’est cette frontière que nous percevons. De le même manière on assimile généralement à des Noirs les personnes nées d’unions que nous appelons mixtes (sous prétexte que ses deux membres n’ont pas la même couleur de peau : pourquoi un homme noir et une femme blanche ou un homme blanc et une femme noire forment-ils un couple « mixte » ? un homme et une femme de la même couleur forment-ils donc un couple non mixte ? faut-il alors le considérer comme homosexuel puisque il n’est pas mixte ? et dois-je, si c’est le cas, dénoncer à la justice mon père et ma mère qui sont tous les deux blancs et qui sont mariés depuis 35 ans au motif qu’ils forment tous deux un couple homosexuel bien qu’ils soient de sexes différents et qu’ils ont contracté un mariage civil, et religieux, illégal, attentant par leur acte monstrueux à l’intégrité du Code civil, autant dire à l’unité nationale ?) : pourquoi identifie-t-on comme noire une personne que notre raison nous indique pourtant comme à moitié blanche du fait de sa couleur de peau ? et pourquoi jamais ne la désignera-t-on comme blanche alors qu’elle est biologiquement autant noire que blanche ? Si nous considérons souvent comme noire la personne née d’une union dite mixte, et en tout cas jamais comme blanche, c’est sans doute que dans notre société la moitié noire abolit la moitié blanche, c’est-à-dire qu’on préfère faire comme si la personne qu’on sait mi-noire mi-blanche était tout simplement noire et ne pouvait être perçue et reconnue socialement comme résultat d’un mélange égal des deux couleurs : il nous est inimaginable et inacceptable qu’on puisse être à moitié blanc et à moitié noir c’est-à-dire que les deux couleurs puissent être égales, aussi nous préférons omettre la moitié blanche et « faire comme si », comme si la personne n’était que noire.

S’il en est ainsi, n’est-ce pas parce qu’il est socialement et culturellement posé que le Noir et le Blanc ne peuvent être égaux, ce qui signifie dans une société majoritairement blanche où l’on enseignait il y a encore peu dans les écoles que les Noirs étaient inférieurs aux Blancs, qu’ils étaient des grands enfants, que les hommes à la peau blanche sont évidemment supérieur à ceux à la peau noire. Le fait est toutefois qu’on ne peut plus tenir raisonnablement ce discours de la supériorité et de la hiérarchie entre les races. Mais comme nous refusons obstinément de reconnaître que les Noirs sont des hommes au même titre que nous qui sommes Blancs (qui nous faisons tels), que nous voulons à toute force qu’ils soient des hommes différents de nous qui sommes blancs, nous nous rabattons sur l’idée d’une meilleure qualité morale de l’Homme blanc sur l’Homme noir, celui-ci étant certes un homme aux capacités physiques égales à celui-là (le sport nous le démontre tous les jours, d’autant plus que les noirs sont surreprésentés dans le sport roi en France qu’est le football, sans doute parce que les champions de ce sport sont tous ou presque issus de milieux populaires et que les noirs sont surreprésentés dans ce milieu, sans doute aussi parce que les bons joueurs de foot quand ils sont noirs et issus de milieu modeste savent que la société leur sera plus rude qu’à leurs homologues blancs et qu’ils ont donc tout intérêt à s’investir à fond dans leur carrière sportive, alors qu’un bon joueur blanc de même niveau sachant qu’il aura des possibilités professionnelles par ailleurs s’investira peut-être plus mollement), celui-ci étant de même un homme aux capacités intellectuelles égales à celui-là (on voit bien que Lilian Thuram sait parler aussi bien et même beaucoup mieux que bien des joueurs de foot blancs, sans parler deM. Roselmack qui s’habille tellement bien et qui parle aussi super bien le français à tel point qu’on en vient à se demander si son téléviseur est bien réglé, et tous ces enseignants et ces médecins), considérant également les artistes, comédiens, chanteurs, écrivains noirs reconnus par leurs pairs noirs comme blancs. D’ailleurs le seul fait que la société (dont nous sommes les acteurs et non les victimes) établisse des catégories distinctes et nous fasse voir des Blancs et des Noirs, jusque-là où il n’y a rien à voir, rend nécessaire de leur attribuer une substance : puisque noir et blanc ne veulent rien dire au plan biologique, pas davantage en terme de couleur de peau réelle (il existe bien des Blancs au teint plus sombre que certains Noirs et pourtant ils sont bien blancs, s’ils n’ont pas de Noirs dans leurs ascendants, comme ces Portugais dont je parlais plus haut, alors que le produit d’une union dite mixte est toujours ou presque noire, autrement elle est métis mais jamais blanche, quand sa peau peut être très claire et même plus claire que celle de certains Portugais considérés comme blancs) et que l’idée d’une domination des races sur les autres est devenue indicible voire impensable ; puisque il faut bien donner une substance à ces catégories distinctes de blanc et noir que nous nous refusons à abolir et que le Noir court aussi vite et pense aussi bien que le Blanc, il ne nous reste plus que la morale, à nous qui sommes blancs, pour nous différencier.

En tout état de cause il est inacceptable de considérer comme véritablement égaux les Noirs et les Blancs, plus précisément il est inacceptable que le groupe des Noirs soit égal au groupe des Blancs. C’est ce que montre à mes yeux l’aisance avec laquelle notre cerveau identifie comme noir quiconque est métis, parce que reconnaître qu’on puisse être à moitié blanc à moitié noir serait placé à égalité ces deux portions et par conséquent, si ces deux moitiés déterminent également la reconnaissance sociale de l’individu qui en est composé, que la moitié noire égale la moitié blanche et donc, par extension, que le Noir égale le Blanc. Mais nous savons bien que le Noir court aussi vite que le Blanc, qu’il est aussi intelligent ou con. Nous savons bien cela, comme nous savons que les aptitudes physiques sont liées à l’espèce et au hasard de la génétique, que notre brillant cerveau qui consomme 20% de notre énergie nous a été donné par la nature et cultivé par la vie en société qui lui permet de développer ses potentialités naturelles : tout cela relève de l’espèce homo sapiens sapiens et se trouve distribué parmi les hommes de manière aléatoire autant qu’injuste mais ça n’a rien d’humain au sens où nous entendons ce mot, c’est-à-dire que ce qui est humain est ce qui nous fait oublier que nous sommes des mammifères bipèdes appartenant à la famille des primates, ce qui trace la frontière entre l’homme et l’animal : ainsi le génocide constitue-t-il un crime contre l’humanité alors qu’il constitue une différentiation réelle et radicale entre l’animalité qui ne pratique pas le crime de masse et l’humanité, ainsi la torture est-elle inhumaine alors qu’elle est propre aux hommes. Nous savons bien que les animaux ont des aptitudes physiques qui nous sont souvent supérieures, qu’ils souffrent comme nous pouvons souffrir, que leur intelligence si elle n’est pas égale à la nôtre n’en est pas pour autant de nature différente, que même certains jouissent de la conscience de soi (comme les grands singes, les éléphants, les dauphins) et sont éventuellement capables, dans la limite de leurs capacités cognitives, de maîtriser le langage humain (comme les chimpanzés qui peuvent comprendre un lexique de plusieurs centaines de mots si on les instruit). De sorte qu’il ne nous reste plus que la morale pour établir une séparation nette entre humanité et animalité, la morale et la culture : ainsi ce qui est humain c’est ce qui est moral et culturel, c’est ce qui est collectivement désigné comme bon ou juste ou beau.

Or la morale relève de la collectivité, elle est le produit de la vie en commun et de la nécessité de réguler l’espace public voire privé : est moral ce qui nous est propre en tant que groupe, quand je me conduis de manière morale je rassure les autres quant à mon identité avec eux en leur démontrant que j’appartiens au même groupe et je me rassure en retour quant à ma reconnaissance par les autres de mon appartenance au groupe en tant qu’individu et, par extension, de mon appartenance à l’humanité. Il est inutile d’épiloguer au sujet de la susceptibilité des hommes relativement au respect de leurs mœurs particulières et sur l’extrême importance qu’ils accordent à tout ce qui fonde ses particularités ou les rend perceptibles : ce sont les mœurs qui différencient les sociétés avancées des archaïques, si on se place d’un point de vue occidental et progressiste,ou les sociétés impies des pies, si on se place d’un point de vue arabe et islamique ; ce sont les mœurs que l’on met en avant quand on veut se différencier, l’opposition occident/orient le montre bien car, si on peut admettre que les Arabes n’ont rien de tangible à opposer à l’Europe, les Européens peuvent aisément trouver motif à fonder une différence avec le monde arabe dans tous les domaines puisque dans tous les domaines la puissance de l’Europe est infiniment supérieure à celle du monde arabe. C’est par la morale qu’un groupe se distingue d’un autre, c’est par la prise de conscience de leurs spécificités morales que les groupes se différencient ; au dix-neuvième et au début du vingtième Français et Allemands étaient très conscients de cette différence morale entre les deux nations, ils la mettaient en avant pour justifier leur inimitié, chacune étant bien sûr persuadée de sa supériorité morale par rapport à l’autre, alors qu’aujourd’hui ces mêmes nations partagent mutuellement l’estime de leur haute valeur morale et que leurs extrêmes droites mettent en avant la trop grande différence de mœurs entre les Européens et les autres pour fustiger l’immigration extra-européenne.

Nous sommes humains parce que nous sommes moraux et nous sommes moraux parce que nous respectons les usages de notre groupe particulier et sommes conscients que nous devons respecter ces usages. Ainsi, incapables de nous résigner à abandonner des catégorisations qui semblent n’avoir plus lieu d’être comme celles de noir et de blanc à partir du moment où l’on ne peut plus faire semblant de croire qu’il y a des races humaines distinctes, placés devant la nécessité de remplir une notion vidée de sa substance et marqués par l’idée qu’il faut distinguer les Blancs des Noirs, et considérant que les Noirs ne sauraient être les égaux des Blancs, nous élevons les Blancs que nous sommes en dépositaire de la morale par opposition aux Noirs que nous ne sommes pas et dont nous considérons que, forcément, ils nous sont inférieurs au plan moral, puisque il n’y a plus d’autre domaine où ils peuvent nous être inférieurs et qu’ils doivent l’être, inférieurs. D’où le fait que M. Sevran utilise le terme de « noir » plutôt que celui d’ « africain » pour désigner ses odieux reproducteurs de la misère humaine, parce que le Noir est mauvais et que si des hommes agissent mal ils ne peuvent être africains mais noirs. N’oublions pas qu’il dénonce la méchanceté de ces Noirs qui se reproduisent follement en compassion, que nous n’avons aucune raison de considérer comme insincère, pour les malheureux enfants africains, qui ont pourtant la même couleur de peau que leurs pères. C’est pourquoi je pense qu’il faut lui accorder crédit quand il dit qu’il n’est pas raciste : il le dit et il ne l’est pas au sens où il ne pense pas que les hommes noirs sont inférieures aux blancs. Quand il dit « noir » il pense « africain », seulement il est tellement évident que ce qui est mal est le fait du Noir que, lorsque il éprouve de la pitié envers des enfants africains et réprouve le régime démographique des familles africaines (dans certains milieux sociaux du moins), il ne peut pas écrire « africain » justement parce qu’il respecte les Africains et s’attriste de les voir se condamner eux-mêmes à la misère et au sous-développement du fait de l’explosion démographique induite par une natalité excessive. Paradoxalement c’est peut-être parce qu’il n’est pas raciste au point de vue intellectuel qu’il essentialise et racialise en tant qu’attribut du Noir ce qui relève d’un contexte social et culturel africain, c’est parce qu’il reconnaît que les Africains sont des hommes comme nous aptes à améliorer leur conditions d’existence qu’ils s’offusquent de la persistance de régimes démographiques qui condamnent les populations africaines à la pauvreté, c’est pour cela qu’il va mobiliser cette notion de « noir », parce qu’il pense que l’«Africain » est un homme comme nous et que c’est le « noir » dans l’Africain qui est mauvais ; il racialise et essentialise justement parce qu’il reconnaît que l’Africain est un individu à part entière et que, forcément, quand il faut décrire quelque chose de mal chez cet individu à part entière qu’il ne veut pas stigmatiser du fait de son appartenance à une nation particulière, sa plume « fourche » et l’africain pris dans un contexte social et culturel particulier devient noir, intemporelle et universelle figure de ce qui est mauvais dans notre société.

En fait ce sont les présupposés idéologiques de notre société où les Blancs qui ne se revendiquent pas comme tels s’approprient la morale pour dénier aux Noirs leur humanité pleine et entière et permettre ainsi la perpétuation de catégories de pensées et de représentations du monde qui sans cela tomberaient en obsolescence –ce sont ces présupposés-là qui s’expriment inconsciemment sous la plume de M. Sevran. La pensée de l’auteur n’est pas raciste, pas plus que la personne qui l’émet, mais les mots qui sourdent dans le cadre culturel de notre société sont racistes et finissent par contrefaire les idées de l’auteur, qui pourraient tout aussi bien s’appliquer dans l’Italie d’avant guerre ou dans la Grande-Bretagne de la première moitié du dix-neuvième siècle, sociétés ravagées par l’explosion démographique. Je dirais que M. Sevran n’est pas raciste d’un point de vue intellectuel mais qu’il l’est d’un point de vue social, en ce sens qu’il mobilise une notion construite par notre société (c’est-à-dire par nous, y compris ceux parmi nous qui, à l’instar de M. Sevran, ne sont pas racistes, pensent ne pas l’être et sont sincères quand ils disent ne pas l’être –ce qui ne veut pas dire que toutes les personnes qui disent ne pas être racistes sont sincères, évidemment, mais je crois que les hypocrites qui serrent la main de leur collègue noir tout en n’en pensant pas moins sont suffisamment malins pour ne pas se laisser prendre en flagrant délit, a fortiori s’ils sont écrivains et se relisent) : il est la victime inconsciente du racisme social dont nous sommes tous responsables puisque nous sommes les acteurs de cette société et que nous sommes libres..

Les imbéciles de droite qui applaudissent la parole impolitiquement correcte feraient mieux de réfléchir à ce que décèle de l’état de notre société, société tribaliste, ethniste et racialiste qui fournit à certains de ses enfants les meilleures raisons du monde de la détester et de l’exécrer violemment tandis qu’elle donne à d’autres les meilleures raisons du monde de la perpétuer dans sa folie autodestructrice, la prose de M. Sevran. Les imbéciles de gauche qui dénoncent les outrances verbales et ostracise l’odieux personnage qui les profère feraient mieux de ne pas oublier qu’ils font partie de la société qui s’exprime, sans doute contre la pensée intime et profonde de l’auteur, dans ces outrances. Un honnête militant d’extrême gauche dirait quePascal Sevran est une victime de la société mais je ne suis pas d’extrême gauche et les braves militants d’extrême gauche et de gauche pas extrême tombent à bras raccourci sur le méchant homme. Pascal Sevran n’est pas une victime car il dispose de l’outillage nécessaire afin de ne pas être le jouet de la société dans ce qu’elle a de plus obscène, il n’était pas déterminé absolument à écrire ce qu’il a écrit comme le type qui jette de l’essence sur une jeune femme dans un bus avant de craquer une allumette et de l’incendier n’est pas absolument déterminé à le faire : écrire n’est pas s’exprimer spontanément, même quand il s’agit d’un journal, l’auteur est libre des mots qu’il choisit, en tout cas il est libre de réfléchir à leur sens et d’en tirer les conséquences qu’il veut. Pascal Sevran est coupable d’avoir utilisé les mots dont nous sommes responsables des connotations : doit-on se satisfaire qu’il s’excuse de matérialiser comme dans un acte manqué ce qui relève d’un discours idéologique collectif ? Ostraciser celui qui émet sans le vouloir une proposition raciste, n’est-ce pas un moyen de repousser comme étranger ce qui émane de nous en tant que société ? Et finalement de continuer à « faire comme si », en refusant, une fois de plus, de nous regarder en face ?

Toutes ces indignations et tous ces applaudissements embaument un doux parfum de narcissisme, un peu comme ce doux poison que les Indiens de l’antiquité élaborait avec la fiente d’un oiseau dont j’ai oublié le nom si jamais je l’ai su un jour et qui tuait sans douleur et sans violence celui qui l’ingurgitait, qui pouvait ainsi se coucher et s’endormir quiètement en attente d’une mort agréable et inconsciente. Le poison des rois…