jeudi 1 février 2007

Où je dis du mal de l'Europe animé par un populisme ignoble...

...et saisi par des bouffées de haine paranoïaque consécutives à la fin de mes vacances et à la reprise de l'activité lucrative qui m'occupe 25 heures payées 39 par semaine.

En cette période de vœux du nouvel an qui se trouvent être également de pré-campagne présidentielle, notre Distributeur Automatique de Prébendes (ou de Promesses, c’est selon), dont on ne sait encore s’il souhaite finir son grand œuvre (qui consiste surtout pour certains mauvais plaisants à ruiner la France à tous points de vue) ou s’il souhaite bénéficier de la lustration nationale à laquelle est éligible tout ancien président de la République, expose à tout un peuple virulemment indifférent la trame de ce qui pourrait constituer le programme d’un gouvernement responsable et efficace. Parmi les propositions de M. Chirac l’une me semble ne pas avoir suffisamment attiré l’attention citoyenne et médiatique : celle d’une baisse massive de l’imposition des entreprises au nom de la compétitivité et de l’attractivité du territoire français. Cette proposition est d’autant plus intéressante qu’elle surgit quelques mois après que l’Allemagne a fortement réduit la fiscalité appliquée aux agents rationnels que sont les entreprises. Cette décision prise par le gouvernement allemand n’est elle-même que l’aboutissement de baisses décidées depuis une dizaine d’années un peu partout en Europe sous le prétexte, fort pertinent, de se conformer à la moyenne européenne ou, et c’est encore mieux, de se glisser sous la moyenne. En effet, clament les esprits pragmatiques, responsables et réalistes, ces sommités sociétaires du Cercle de la raison que je nomme synthétiquement les « hommes Circulaires » parce qu’ils le valent bien, suite à l’ouverture des frontières et des marchés européens, un Etat membre de l’UE se doit de réduire ces odieuses ponctions confiscatoires qu’un populisme irresponsable inflige à l’audace entrepreneuriale s’il ne veut pas brider la compétitivité et l’attractivité de son territoire. (Comme chacun sait, l’entreprise qui est un agent rationnel exige des salariés bien éduqués par les petites écoles financées par l’Etat, des routes et tout plein d’équipements financés par l’Etat et des tas de choses encore financées par l’Etat mais estime superflu de payer des impôts.) Ainsi, chaque Etat diminuant sa fiscalité, contribue à réduire du même coup la moyenne communautaire, avec comme conséquence d’énerver les hommes Circulaires des pays dont la fiscalité était auparavant dans la moyenne et qui basculent alors au-dessus de cette limite infranchissable pour tout esprit Circulaire. Et bien évidemment, sous la contrainte et désespéré d’avoir à affronter les hordes populacières qui n’entendent rien aux subtilités de l’économie, les dirigeants desdits pays prennent la seule décision Circulaire qui soit : baisser la fiscalité des entreprises afin de se conformer à la moyenne communautaire. Et ainsi de suite jusqu’à ce que notre DAP en vienne à nous proposer pour ainsi dire d’exonérer d’impôt à cent pour cent les entreprises de France afin de les inciter à maintenir sur notre territoire leurs activités et notamment, nous dit-il dans un très-Circulaire élan, leurs sièges tout en incitant les sociétés de nos partenaires européens à venir s’installer chez nous, et quoi de plus rationnel puisque tous les partenaires de cette grande idée confraternelle qu’est l’UE en font autant.

Peut-on ne pas ressentir l’émotion tragique qui parcourt l’échine et les muscles zygomatiques de l’homme d’Etat Circulaire saisi par cette fatalité qui le balaye et l’aspire tel la tornade la chaise de jardin en plastique jaune ? Le peut-on à moins d’être un rustre ou une bête immonde ? Et le peut-on seulement même rustre ou immondice ? Car l’homme d’Etat, tout Circulaire qu’il est entouré d’hommes et de femmes Circulaires, ne peut rien contre cette fatalité de la compétition qui oppose les partenaires de cette grande et noble cause qu’est la Grande Europe Unie ! Un esprit faible frappera l’opinion en invoquant toutes ces Circularités, internationales qui plus est, et s’étonnera de leurs incapacités conjuguées à résoudre ce qui ne peut être résolu. En effet pour qu’un problème soit résolu par l’homme encore faut-il qu’il soit d’origine humaine ou, s’il ne l’est pas, qu’il lui soit réductible : l’homme Circulaire peut dompter le puissant fleuve Jaune (ou Bleu je ne sais plus mais en tout cas de Chine) mais ne peut rien quand les eaux de l’Océan indien se soulève et submerge les côtes de l’Asie du Sud emportant avec elles les dépouilles mortelles de centaines de milliers de malheureux. L’opinion attend un sauveur providentiel mais l’homme Circulaire n’est pas Moïse et d’ailleurs quand bien même il le pourrait, à faire se mouvoir les forces occultes il se refuserait car lui, très-Circulaire jusqu’en son fondement, préfère s’astreindre à la rude discipline de la raison plutôt que de s’abandonner à la facilité opinante de la pensée magique. La raison, n’en déplaise, ne peut rien contre ce qui la dépasse ; elle s’efface avec dignité là où la fatalité s’exprime. Mais le plaisantin persiste et ne veut se laisser convaincre : l’ignorance est une prison ! Le voilà qui exige une harmonisation de la fiscalité européenne –et ma main dans ta gueule tu l’exiges aussi peut-être ? On ne peut rien contre la fatalité et la sottise de l’opinion en est une bien triste de même que sa vilenie. Car il faut être vil autant que sot pour croire que l’homme Circulaire n’y a pas pensé, à cette harmonisation. Il y a pensé et pensé encore jusqu’à l’épuisement de toute fonction cérébrale, tellement que les draps de bain des palaces bruxellois s’en souviennent. Il y a pensé mais il n’a pu trouver la solution.

En effet, comme chacun le sait, la fiscalité relève du domaine régalien de l’Etat, ce qui implique que les Vingt-Sept statuent à l’unanimité or une telle unanimité est bien difficile à établir dans un domaine aussi sensible qui touche aux spécificités propres à chaque pays, à son histoire, son économie, sa démographie, toutes choses que l’on ne peut réduire d’un coup de baguette magique. En outre, en raison de cette coutume étrange un tantinet archaïque qui consiste à procéder à l’élection des dirigeants au suffrage universel, des gouvernements surgissent parfois dans quelque pays dont les membres ne sont pas Circulaires quand ils ne sont pas carrément anti-Circulaires, rendant ainsi impossible la tâche cyclopéenne à laquelle s’astreignent malgré tout les hommes Circulaires du continent, dévoués jusqu’à la mort au bien commun, à la paix, à la démocratie sur lesquels reposent l’Europe à quoi nous croyons tous comme on nous l’a appris à l’école républicaine et dans les journaux télévisés contrôlés par les grands groupes capitalistes qui sont des agents rationnels. C’est un fait terrible que, en l’état actuel de Terreur fiscale annuellement dénoncé par les experts indépendants de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique dans leurs recommandations aux gouvernements qui les salarient en raison d’un principe ô combien Circulaire –c’est un fait, terrible dis-je, qu’il est aujourd’hui impossible de résoudre la quadrature du cercle (sans majuscule celui-là !) que représente la disparité des régimes fiscaux en vigueur au sein de l’UE. C’est un fait qui convaincra tout esprit rationnel : les écarts de développement économique atteignent des proportions telles qu’il est désormais inimaginable de concilier les énormes besoins financiers induits par l’assistanat auquel se laisse aller les opinions hostiles par obscurantisme aux scientifiques et sains principes de la sélection naturelle et de l’adaptation au marché, assistanat qui grève les finances publiques des Etats de l’Ouest (ce alors que des enjeux stratégiques nécessiteraient des investissements militaires d’ampleur inestimable : quand on pense que les Vingt-Sept ne dépensent que 160 milliards d’euros pour leurs armées quand nos courageux alliés américains consacrent à leurs légions déployées de par le monde 500 milliards de dollars !) et la nécessité qui étreint les Etats de l’Est de comprimer leur fiscalité afin d’attirer sur leur sol les investissements occidentaux s’ils veulent rattraper le retard de développement causé par cinquante années de dictature communiste. Cela est d’autant plus vrai que les Etats entrants sont de plus en plus pauvres à chaque élargissement : ainsi les dix entrants de 2004 jouissaient de PIB représentant 50% de la moyenne communautaire alors que Roumanie et Bulgarie dépassent à peine 30%. Or on ne peut, en conscience, imposer à ces pays des réformes qui ruineraient leurs efforts de développement et paupériseraient leurs populations, voire les condamneraient à la famine d’où résulteraient sans doute des épidémies de peste noire et des guerres mondiales qui ravageraient l’Europe jusqu’à la vider de toute substance : l’opinion voudrait-elle transformer le Vieux continent en immense cimetière que nos Circularités s’y opposeraient jusqu’au sacrifice de leurs existences, car l’homme Circulaire a le sens du sacrifice et pas seulement de celui des autres !

Mais je sens poindre le ricanement particulier à l’esprit malin lorsqu’il croit prendre au piège de ses propres contradictions son Circulaire interlocuteur. Ainsi l’esprit malin demandera benoîtement et tout candide le nom de la force cosmique qui a fait pénétrer dans l’UE de telles disparités rendant impossible toute harmonisation fiscale autrement que par le bas : à quoi l’esprit Circulaire rétorquera que nulle force cosmique n’a inclut les Etats pauvres de l’Est dans la très riche UE, portant à un point tel ses contradictions internes que les Circularités communautaires et intergouvernementales malgré toute leurs grandesses réunies ne peuvent les résoudre. L’homme Circulaire assume promptement ses responsabilités qu’il sait grandes et clame haut et fort que ce sont bien les Etats riches de l’Ouest et leurs très-Circulaires représentants qui ont pris et acté la décision d’élargir l’UE en y intégrant des pays pauvres avant qu’ils n’aient comblé leur retard économique. Certes on aurait pu imaginer des formes de partenariats privilégiés adaptés à chaque pays dont le but aurait été, non d’exclure définitivement les Etats de l’Est, mais de leur permettre de combler leur retard avant leur intégration définitive dans l’Union ; il se serait agi de « pré-adhésions » au cours desquelles ces pays auraient eu droit aux financements européens dont le but est de soutenir l’investissement public et favoriser le développement et donc le rattrapage, pré-adhésions au cours desquelles ils auraient intégré progressivement le marché unique et pour finir les institutions communautaires. Mais c’est là oublier un peu vite les principes de base tels la réunification d’un continent qui n’avait jamais été uni auparavant et la solidarité envers nos frères de l’Est qui nécessitent de réduire un petit peu nos solidarités internes de nantis ! c’est oublier un peu vite les traités européens qui ne prévoient pas pareilles possibilités de partenariat privilégié ou de pré-adhésion !

Bien sûr l’esprit malin croira futé de rétorquer que les traités européens sont négociés et mis en forme par les Etats et plus précisément par leurs très-Circulaires dirigeants puis, neuf fois sur dix, ratifiés par des myriades de députés qui votent, très-Circulaires et néanmoins enthousiastes en un sens didactique que le vulgaire n’entendra pas à moins d’ouvrir un dictionnaire de langue française, comme un seul homoncule des textes qui forgent des institutions qui ne rendent possibles ni l’harmonisation fiscale et sociale, ni des systèmes qui permettraient de maintenir une certaine cohésion économique entre les membres de l’UE en proposant des alternatives à l’adhésion pure et simple et immédiate. Il croira futé de rappeler que, entre la chute du mur de Berlin et la décision d’intégrer les PECO, trois traités ont été négociés et ratifiés, à Maastricht, Amsterdam et Nice, et qu’aucun n’a pris en compte les conséquences qu’auraient sur l’UE aux plans fiscal et social l’intégration de pays pauvres voire très pauvres ; en oubliant toutefois le TCE repoussé par les populaces française et néerlandaise, traité qui prévoit le partenariat privilégié, même s’il faut reconnaître qu’il ne pouvait s’appliquer ni aux dix entrants de 2004 ni aux deux de 2007 et que le mal était déjà fait mais quand même…Il croira futé d’évoquer ces Circularités qui sonnaient la charge contre quiconque (populiste !) avait l’ignominie d’avancer l’idée que, peut-être, il faudrait ralentir le rythme et attendre que ces pays se soient suffisamment rapproché du niveau de développement de l’Ouest avant de les intégrer pleinement à l’Union. Il croira futé de s’abandonner à un délire paranoïaque selon lequel les milliers et les milliers de Circularités qui gouvernent, légifèrent, administrent, réfléchissent, éditorialisent, managent… agissaient en connaissance de cause et ont édifié sciemment des institutions « communes » dont elles savaient d’avance qu’elles mèneraient la Grande Europe Unie à cette fatalité qu’est la concurrence fiscale. Et c’est vrai que, peut-être, l’homme Circulaire, est un peu à l’origine de la fatalité qui conduit M. Chirac et tous les dirigeants d’Europe avec lui à réduire la fiscalité des entreprises, baisser l’impôt sur le revenu (à commencer par les tranches supérieures), supprimer l’impôt sur la fortune ou le vider de toute substance, démanteler les systèmes de solidarités, etc., le tout afin de maintenir la compétitivité et l’attractivité de leurs territoires en adaptant leurs pays à la concurrence acharnée à laquelle se livrent les partenaires européens, concurrence dont la source jaillit cristalline des traités négociés et ratifiés par ces mêmes dirigeants Circulaires…C’est un peu vrai mais bon, c’est pas de sa faute à l’homme Circulaire, il pensait pas à mal et pis faut bien comprendre que c’est pas facile d’écrire l’histoire et d’avoir charge d’âmes terreuses et malignes par centaines de millions ; il l’a pas fait d’esprès quoi, c’est quand même pas compliqué à comprendre, non ? il suffit de lire la définition du mot externalité et puis c’est tout pour comprendre que c’est comme ça quoi, des conséquences involontaires et insoupçonnées, la faute à pas de chance.

Contre le populisme qui construit des théories abracadabrantesques qui font pschitt !

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