vendredi 2 février 2007

Pourquoi je vais voter Ségolène Royal et pourquoi il me semble que chacun devrait en faire autant...

...contribution en forme de commentaire publiée suite à la décision de première importance que j'ai prise de ne pas signer la pétition appelant José Bové à se présenter comme troisième candidat unitaire de la gauche de la gauche qui ne l'est plus vraiment (http://www2.unisavecbove.org/spip.php?article1).

L'intérêt de la candidature Bové consistait justement à rassembler l'électorat sur un projet qui se positionnerait résolument à la gauche du PS tout en ne se confondant pas avec des groupuscules comme la LCR ou des partis en voie d'extinction comme le PCF, et pour cela il fallait couper l'herbe sous le pied à des organisations rédhibitoires à une grande partie de l'opinion, tous milieux sociaux confondus. A partir du moment où Besancenot et Buffet se sont lancés dans la course et vont promener leurs mines décomposées par l'indignation sur les plateaux de télévision, la candidature de Bové n'a plus grand sens. Pour ma part je suis persuadé qu’avec une candidature Bové des tas de gens qui ne votent pas ou plus par désintérêt, qui votent PS par défaut ou qui votent Le Pen par dépit, auraient porté leur choix sur lui et se seraient de ce fait intéressés aux propositions « anti-libérales », d'autant plus que les médias n'auraient pas pu snober la candidature de quelqu'un de relativement populaire. Avec Bové la gauche anti-libérale faisait d'une pierre deux coups : d'abord attirer l'attention médiatique et citoyenne sur elle et ensuite renforcer sa position au moment de négocier un accord électoral et gouvernemental avec le PS, pour autant que cette attention se serait traduite dans les urnes -mais de toute façon avec Buffet on sait d'avance comment ça va se finir: avec 3 ou 4 % au premier tour de la présidentielle et une quinzaine de députés qui avaleront des couleuvres pendant 5 ans ; avec Besancenot, ça revient au même, les 15 députés et les couleuvres en moins.

Cette pétition aurait été pertinente il y a un an mais maintenant c'est trop tard parce que même s'il se présente il ne pourra pas amener à lui le vote des 3 à 5 % de gens qui voteront Buffet et Besancenot et on se retrouvera dans une situation ubuesque avec trois candidats unitaires de la gauche anti-libérale qui ne pèseront rien par rapport au PS, trois candidats auxquels il ne faut pas oublier de rajouter Laguiller qui va sans doute elle aussi rafler ses 3 à 5 % forfaitaires. N'oublions pas qu'en 2002 les candidats qui se positionnaient à la gauche de Jospin ont réuni 15% de l'électorat, or cet électorat n'est pas extensible à l'infini. De toute façon jamais la gauche radicale ne sera majoritaire en France comme nulle part ailleurs: le seul endroit sur la terre où la gauche radicale ait jamais été majoritaire ç'a été en Russie lors des élections à l'Assemblée constituante de novembre 1917, outre que tout le monde sait comment s'est finie l'expérience communiste il ne faut pas oublier qu'elles se tinrent dans un pays rongé par une misère effroyable dont la grande majorité de la population ne savait ni lire ni écrire. Or nous sommes très loin de cette situation puisque nous vivons dans un pays où la moitié des gens sont propriétaires de leur logement et où un huitième de la population est actionnaire individuel (ce qui est assez faible d'ailleurs comparé à des pays comme la Suisse ou les Etats-Unis où, je crois, la moitié de la population est actionnaire, ce qui exclut d'emblée toute perspective à la gauche radicale). Quoi qu'il en soit il est illusoire d'imaginer une victoire électorale, a fortiori une révolution, hors du cadre d'une coalition avec le PS, ce qui implique de souder ces 15 ou 20 % d'électorat de la gauche radicale afin de négocier d'égal à égal avec le PS dans l’objectif d'obtenir un nombre notable de sièges à l'Assemblée nationale en échange d'un désistement et d'un soutien au second tour de la présidentielle, un nombre notable ou en tout cas suffisamment élevé pour empêcher les socialos d'être majoritaires tous seuls et ainsi peser sur les orientations de la législature au niveau national mais aussi dans les votes au Conseil des ministres de l'Union européenne ; de sorte que, s'il est impossible de mettre en oeuvre le projet anti-libéral, il soit possible au minimum de contrer les offensives libérales et arracher des compromis sur un certain nombre de points jugés primordiaux.

Il y a un an j'aurais volontiers signé, bien que je ne sois pas militant, la pétition appelant M. Bové à se porter candidat, mais aujourd'hui ça me semble inutile voire nocif si ça contribue à diviser encore plus la gauche du PS. Il ne reste plus que Buffet pour défendre cette gauche de manière responsable, c'est-à-dire en acceptant d'accéder aux responsabilités et de se salir les mains (mais, comme dit la chanson, « il faut parfois se salir les mains pour les garder propres »), or le curé trotskiste va cogner méchamment sur le PS et les pauvres cocos vont se trouver pris entre deux feux: d'un côté le facteur va se la jouer intransigeante, pur et dur, sans concession aux social-traîtres pendant que de l’autre les socialos vont mettre en avant le vote utile dans la perspective de barrer la route à la droite et la Buffet risque fort d'être enfumée par ces batailles rhétoriques. Si en plus un nouveau candidat surgit, sachant que le PCF ne renoncera pas à présenter le sien, plus personne n'y comprendra plus rien, et ce sont Besancenot et Royal qui rafleront la mise puisque les plus radicaux préfèreront le discours démagogique du premier au discours radical mais responsable de Buffet/Bové et que les moins convaincus, en l'absence de perspective politique crédible, opteront pour la sécurité c'est-à-dire Royal.

Je comprends la position de notre homme des neiges (!http://www.yetiblog.org/index.php?2007/01/11/103-lettre-a-un-ami-qui-hesite&cos=1) et peut-être que je juge d'après mes propres présupposés personnels mais je ne crois plus vraiment à cette gauche de la gauche née dans le sillage du « Non » au TCE. D'abord parce que le temps passe et que l'élan est nettement retombé ; en fait il s'est, à mon sens, produit pendant la campagne référendaire la même chose qu'au moment de la réforme des retraites ou qu'en 95: un mouvement puissant mais sans lendemain dès lors que l'objet de l'ire populaire a disparu. Ensuite parce les fins poursuivies par les « anti-libéraux » me semblent un peu ambiguës dans la mesure où cette gauche rassemble des tendances qui veulent réformer le capitalisme en l'humanisant et d'autres qui veulent s'embarquer dans des aventures visant à un « dépassement du capitalisme » dans lesquelles je n'ai pas envie de m'embarquer en tant que citoyen (et encore moins la France avec moi), moi qui ai fêté mes 18 ans l'année de la chute de l'URSS et qui ai inauguré mon droit de vote en disant « Non » à Maastricht l'année suivante. Enfin parce que, comme des tas de gens, j'en ai assez de subir l'UMP et notamment Chirac depuis 12 ans, argument très médiocre il est vrai ! Tout ça pour dire que, devant la prolifération de candidats unitaires, je risque bien, pour la première fois de ma vie civique, de voter socialo dès le premier tour d'une élection nationale, avec des préventions et faute de mieux certes mais...

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